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02 août – Marville

Mobilisation (voir topo Tome I)affMobilis

Dimanche. La mobilisation [1] est donc sonnée.

Pas de travaux aujourd’hui. C’est le repos au cantonnement [2]. Hier tout le monde s’est installé et a travaillé à l’aménagement.

Chacun se rend devant l’affiche apposée à la porte de la mairie.
CP-MobilisationLectOn s’échange ses im­pressions. C’est la guerre, de l’avis de beaucoup. Quelques-uns croient à un simple exercice ou à une démonstration ; on ne les écoute pas, on les traite même de poltrons [3]. Vraiment, le cantonnement* est agréable. La vie du troupier en campagne plait. Le ravitaillement se fait très bien. La viande et les vivres sont distribués l’après-midi. Il est assez pittoresque de voir les caporaux d’ordinaire [4] se démener avec leurs hommes de corvée*, qui armé de sacs, qui d’une brouette, un autre d’une petite voiturette.

Chaque escouade [5] a son cuisinier. Ceux-ci, à un endroit fixé par compagnie, font la popote, entrent chez l’habitant sympathique, lui empruntent quelque chose qu’ils oublient de rapporter. D’où quelques petites discussions !
C’est l’heure de la soupe ! Chacun prend sa gamelle ; on mange en plein air ; le rata [6] est excellent ; on boit du vin, ce qu’on ne touche pas au quartier ; le café, le « jus », est fameux.

Les habitants paraissent contents. Le village a de l’animation. Les troupiers sont disciplinés, pleins de santé, un peu bluffeurs : « Ah ! Les boches ! On les aura ! ». Chacun a confiance.

Non seulement les officiers, les sous-officiers ont facilement trouvé un lit. Et le soir, après l’appel, c’est un bout de conversation avec l’hôte aimable : on parle de la guerre, des chances de succès, persuadés que tout ira facilement et que le Rhin franchi, c’est l’Alsace libérée et la paix… en mars comme en 70 [7]. Les hommes ont de la paille à volonté, une vaste grange bien close. Il y fait chaud. On est au mois d’août d’ailleurs.

Plan Émile Lobbedey

Plan de Marville par Émile Lobbedey (ici réorienté vers le Nord)

Source : J.M.O. [4] du 147e régiment d'infanterie (26 N 695/10 - J.M.O. 1er août-15 octobre 1914) http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr

Source : J.M.O. [8] du 147e régiment d’infanterie [9] (26 N 695/10 – J.M.O. 1er août-15 octobre 1914)
http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr

Extrait de la carte d’état-major – Source : Géoportail

Près de Marville, se trouve un village qui y touche : Saint-Jean. Le 3e bataillon y est installé. J’y vois les frères Lotthé de Bailleul.

 


[1] Mobilisation : Mise sur pied de guerre des forces militaires d’un pays par le rappel dans les armées de tous ceux qui sont désignés pour y servir en temps de paix.

[2] Cantonnement : Désigne à la fois le lieu où sont stationnés les troupes hors des lignes, et la situation de celles-ci. En ce sens, c’est un synonyme partiel de « repos ». Les cantonnements sont le plus souvent des villages légèrement en arrière du front ; ils peuvent aussi être provisoires et faits de tentes ou de baraques Adrian. Le verbe « cantonner » désigne le fait d’être ou de s’installer au cantonnement.

[3] Poltron : Qui manque de courage, qui agit avec lâcheté.

[4] Ordinaire : Cantine militaire où les soldats prennent leurs repas.

[5] Escouade : Autrefois, petit groupe de soldats commandé par un gradé.

[6] Rata : Initialement, abréviation de ratatouille ; désigne dans l’argot des combattants un ragoût de pommes de terre ou de haricots, ou plus généralement un ragoût quelconque.

[7] Texte peu compréhensible. Lire les commentaires (ci-dessous) pour une interprétation possible.

[8]  J.M.O. : Journal des et opérations des corps de troupe.

[9] Infanterie : C’est l’ensemble des unités militaires devant combattre à pied, le soldat étant appelé fantassin.

 


Revue de presse du 2 août 1914.
Au lendemain de l’appel à la mobilisation générale, qu’écrivaient les journaux de l’époque ?
-> Lire l’article de LIBÉRATION du 02 août 2014