4 octobre

La 8e a été relevée [1] également. Nous l’avons près de nous et dans notre gourbi [2] son chef, le lieutenant Péquin que chacun préfère de beaucoup à celui de la 7e.

Je communique plusieurs fois des notes à mon commandant de compagnie. J’en profite chaque fois pour abattre quelques pommes en passant dans le verger.

Chaque matin d’ailleurs, au petit jour, nous allons chacun chercher le compte rendu de la nuit. Cela nous réchauffe les pieds.

La route est à présent et à tout instant arrosée de shrapnels*. Ce n’est pas agréable. Dans l’après-midi, je mets deux heures pour faire les 1500 mètres de retour car je tombe en plein bombardement et suis obligé de laisser passer les rafales et de m’abriter. La route est couverte de trous d’obus, ainsi que les champs avoisinants.

CP-trousObus

Soldat allemand devant un trou d’obus – Argonne.

Dans la nuit, Crespel, le cycliste, revient en bicyclette avec une partie des vivres. Il roule dans un trou d’obus et s’endommage le nez. On rit souvent, malheureusement, du mal des autres. On rit beaucoup en effet ; surtout qu’il avait enfourché sa bicyclette, aux dires de Gauthier qui survient tranquillement à pied parce que des obus tombaient dans Saint-Thomas. On déplore seulement la perte d’un bouteillon de riz.

Le commandant fait toujours popote* avec nous. Il a un bon coup de dents.

La journée est calme. J’ai trouvé une veste assez potable. Comme je n’ai pas l’embarras du choix et qu’il fait froid, je l’endosse. Elle me va d’ailleurs assez bien. Peu difficile, je suis très satisfait.

Je n’ai plus de nouvelles de la maison. J’écris quand même chaque jour. Je réclame des colis. Nous sommes dénués de tout. On dit que les lettres arrivent mieux ouvertes. Les adresses sont « armées en campagne avec indication de la brigade, de la division et du corps ».

Nous sommes toujours démunis de tabac, mais nous avons espoir d’en toucher ce soir. On parle d’une relève proche. Ce n’est pas trop tôt. La voiture d’outils qui vient chaque soir nous amène de la paille. On est heureux.

Le temps se maintient beau. Le matin, toujours un fort brouillard. Puis c’est le soleil.

Beaucoup de monde se plaint d’être couvert de vermine. Ceci, ajouté aux coliques, c’est le bouquet.

 


[1] La relève : c’est le remplacement d’une unité par une autre dans les tranchées. Opération dangereuse car bruyante et conduisant au regroupement d’un grand nombre de combattants, elle se fait généralement de nuit. Sa périodicité n’est pas fixée strictement, mais une unité en première ligne est généralement relevée au bout de quatre à sept jours. La relève s’effectue par les boyaux.

[2] Gourbi : Dans l’argot des combattants, désigne un abri. Le terme s’applique peu en première ligne, il est utilisé surtout à partir de la seconde ligne jusqu’au cantonnement. (Renvois : Abri, Cagna, Guitoune)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.