16 décembre

Retour à Florent

La matinée se passe, après un réveil tardif, à flâner, écrire ou visiter la ferme qui est vaste. On attend l’annonce du départ pour Florent.

Pas de popote aujourd’hui. On vit de conserves. Gauthier, malade, ne fait pas de cuisine et personne n’est allé hier soir chercher les vivres, à part René qui est allé chercher la viande, se dévouant pour tous. On fait un petit feu dans la cour de la ferme ; à 10 heures, j’avale un bifteck avec le morceau de pain de la veille.

Le temps est pluvieux. Cela nous rend moroses. Au fond on s’ennuie, ne sachant que faire. Aucun ordre à communiquer. L’après-midi arrive et avec elle le départ pour Florent. Je quitte à 2 heures, laissant au capitaine Claire nos agents de liaison en second. À 4 heures, sans encombre, nous étions arrivés à destination après avoir rencontré un bataillon du 147e qui nous relève.

Les cuisiniers des officiers nous suivent. Tout le long de la route ce sont des chants continuels, avec accompagnement de marmites et casseroles. On rit beaucoup. Une pause non loin de Florent procure l’occasion à Cahart ( ?), un cuisinier du capitaine Claire, de faire le pitre : à plusieurs reprises, avec le fusil, il nous fait, ainsi qu’à des artilleurs qui passent, « le salut de la cantinière ».

Le cantonnement* est rapidement fait, nous retrouvons Gallois qui nous annonce : « Même cantonnement ». C’est tout de suite couché.

Le bataillon ne tarde pas à rentrer. Il peut être 5 heures. La nuit commence à se faire. Chacun s’installe, officiers et troupe, du mieux qu’il peut.

À 5 heures 30, sans avoir pris le temps de manger ce que Gauthier a préparé, je pars au concert de la 4e division. Les autres, à part René qui me suit, mangent au risque d’arriver en retard. Nous arrivons dans une grange située près de l’église ; grande animation ; nous entrons au son d’une fanfare qui joue une marche ; de quel régiment ? Je l’ignore. Tout le plafond est garni de lanternes vénitiennes. Des quantités de bancs sont remplis de militaires assis. D’autres sont debout. La salle est comble. Quelques territoriaux font les commissaires.

Assez heureux je monte une espèce d’escalier qui se trouve au fond de la salle et découvre tout : à droite, au milieu, une espèce d’estrade, un piano ; au bas, quelques bancs occupés par les acteurs qui se sont fait inscrire. Ceux-ci montent à tour de rôle et chantent à l’appel de leur nom ou pseudonyme par un commissaire sous-officier territorial. Quelques-uns sont des artistes accomplis, comiques de talent. Nous applaudissons à tout rompre.tete centenaire Königsbrück

J’entends en particulier un ténor de Paris qui est présenté et qui nous transporte à l’opéra. Intermèdes de musique, morceaux de piano joués par un artiste, tout cela me donne une excellente impression. Dans l’assistance d’ailleurs, je remarque pas mal d’officiers.

Je passe une nuit que je qualifierais de « musicale ». Ce soir je me suis nourri de musique. C’est pour cela que les papillons noirs disparus et tout ragaillardi, je ne mange pas en rentrant, me contentant de café que je bois en fredonnant. Il est 8 heures, le concert a duré deux heures et demie. Je m’endors en chantant « Il s’appelait Boudoubadabou ! »

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