17 décembre

Relève au bois de la Gruerie

La journée se passe tranquillement. Au matin nous recevons un renfort de la classe 1914. Le capitaine les rassemble et fait un petit speech afin de les enflammer un peu. Quant à Lannoy, il continue à distribuer pantalons et brodequins au milieu de la joie générale des braves qui ont des poches dont beaucoup sont en trous et des souliers qui prennent l’eau.

Le temps a l’air de se remettre au beau. Un petit soleil brille de nouveau. Cela nous met un peu de joie au cœur. À midi, nous prenons notre repas gaiement, contents d’être toujours florentins. La gaieté s’en mêle, c’est sans doute la contagion et la proximité du concert, chacun y va de sa chanson. Je chante la mienne au milieu de l’enthousiasme général.

Vers 2 heures, je vois le capitaine qui, avec le lieutenant, me félicite sur ma composition et déclare garder la chansonnette. On la fera polycopier plus tard.

Une nouvelle cependant à laquelle on ne s’attendait nous parvient dans l’après-midi : nous quittons Florent ce soir.

La gaieté ne nous quitte pas cependant. Il n’en est pas de même du bataillon qui peste contre ces allers et retours intempestifs qui, à la longue, font un beau ruban de kilomètres.

C’est donc joyeusement que, vers 5 heures, nous prenons toujours dans le même décor le chemin de La Harazée.

Nous prenons avec nous nos agents de liaison* en second qui se joignent à nous à chaque séjour de tranchées. Carpentier s’adjoint Garnier, vu que Jombart s’occupe du ravitaillement de la 8e et du nôtre.

Le temps est bon ; malgré le mauvais état de la route on marche bon train. En route, nous apprenons que nous reprenons le secteur Fontaine la Mitte. Cela n’est pas fait pour nous déplaire, car c’est le cabinet noir de nouveau, aux doux souvenirs.

À La Harazée, nous arrivons vers 8 heures par un petit clair de Lune. Nous entrons dans le château où nous trouvons les agents de liaison du bataillon du 72e à relever. Cela se fait en un tour de main, les compagnies reprenant leurs mêmes emplacements.

harazeeNous entrons donc dans la grange, le grenier à la file indienne, croyant prendre possession du cabinet noir rêvé. Erreur !

Tout est rempli de mitrailleurs qui dorment et nous reçoivent comme des chiens dans un jeu de quilles. Carpentier veut parlementer, dire que la pièce appartient de droit à la liaison du bataillon en réserve dans le secteur que nous occupons ; le chef de bataillon étant lui-même dans une chambre du château ; on lui ferme la porte au nez grossièrement sans l’écouter et sans respect aucun pour le sous-officier.

Force nous est donc de nous placer dans la grange du bois où nous nous alignons, nous serrons les uns contre les autres pour résister au froid. Furieux sommes-nous… Et impuissants.

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