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18 décembre – Chapitre VIII

Bois de la Gruerie : secteur Fontaine la Mitte
Bois de la Gruerie 8e séjour

Carpentier n’est pas grand, mais n’est pas homme à se laisser marcher sur le pied. Aussi au petit jour il se rend de nouveau près des mitrailleurs occupants pour protester énergiquement. Un caporal le reçoit encore plus mal que la veille et l’envoie paître ainsi que nous-mêmes qui voulons-nous interposer.

Pendant ce temps, Gauthier fait tranquillement le café que nous buvons au milieu du mécontentement général. Il est 8 heures. C’est l’heure que Carpentier attendait pour présenter ses doléances au capitaine Sénéchal. Ce n’est pas long. Celui-ci arrive comme un foudre de guerre, met quatre jours de prison au caporal mitrailleur pour réponse insolente à des sous-officiers dans leur droit et lui intime l’ordre d’évacuer avec ses hommes tout le bâtiment car sa place n’est pas ici : les sections de mitrailleuses ont reçu un poste dans le bois, près des compagnies pour les renforcer. C’est notre revanche, c’est notre droit.

On s’installe donc, acclamant Carpentier qui se révèle à nous comme le plus énergique et le plus débrouillard de la bande et déplorant en sourdine le peu d’autorité de notre jeune adjudant à qui le capitaine Sénéchal promet d’ailleurs d’enlever les galons au prochain manque d’autorité.

La journée se passe, agrémentée de nombreuses notes du commandant Desplats que nous portons après copie à nos commandants de compagnie. Je trouve le capitaine Aubrun redevenu l’homme champêtre et que le beau temps met de bonne humeur.

Nous n’avons aujourd’hui qu’une popote médiocre, les voitures de ravitaillement ne s’étant pas montrées hier. Pourquoi ? Mystère.

L’après-midi se passe à humer l’air et même à se distraire un peu dans les dépendances du château. De vieux vélocipèdes dont l’un en bois et une bicyclette d’enfant sans pneus ont été trouvés je ne sais où. Les cuisiniers du colonel s’amusent avec quelques sapeurs à monter sur ces moyens de locomotion rudimentaires. D’où chutes et contorsions épiques qui suscitent nos rires durant plus d’une heure.

Vers le soir, à la nuit tombante, les voitures de ravitaillement arrivent dans le village. Aussitôt tout le monde cuisinier sort de ses trous et l’animation donne l’illusion d’un repère de bandits. Nous cherchons nos vivres et aussitôt aidons notre Gauthier à faire cuire les aliments.

Puis c’est le repas en famille, les uns à genoux, d’autres debout, certains assis à même le sol, autour d’une marmite de dimensions respectables posée sur une caisse ; repas présidé par notre cuisinier qui, loyalement, remet à chacun sa part.

Puis c’est le coucher. Pas de chansons ce soir, la nuit précédente fut trop mauvaise maternellement et moralement.