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27 septembre

Couverture du cinquième cahier intitulé Tome IV

Couverture du quatrième cahier intitulé Tome IV

J’ai reçu pour la première fois une lettre depuis un mois. C’est M. René Parenty, lieutenant au 8e territorial, qui m’envoie ses vœux.

Dans la matinée, je m’amuse à réparer les dommages causés par la guerre à mes effets grâce à du fil et des aiguilles prêtés par mon ami Gallois.

entretienUniforme

Deux soldats du 14e régiment du train des équipages militaires entretiennent leur équipement.

Nous commençons à nous habituer au coin et à notre régime. On mange chaud à minuit, froid le jour. On dort peu la nuit, on somnole l’après-midi. On s’abrite vers midi, car il y a menace d’obus. Le grand avantage que j’apprécie est qu’on peut se laver. La température est basse la nuit ; tous les matins nous avons les pieds gelés.

Au petit jour, j’ai communiqué deux fois à bicyclette sur la route grâce au brouillard. Le capitaine Rigault se promenait aux avant-postes, couvert d’une couverture blanche. Le capitaine Aubrun l’a traité de fou. Certainement que s’il continue il se fera tuer.

Vers 11 heures, nous subissons un bombardement terrible et assez précis. Les obus tombent très près de nous. Nos batteries ripostent ; or elles tirent trop court et leurs obus tombent sur nous.

Le cycliste Caillez, au risque d’être tué cent fois, enfourche sa bécane et part vers nos batteries. Il nous semble bientôt qu’elles cessent de tirer. En retour, les boches continuent.

Quelques hommes des compagnies voisines, 5e et 7e, arrivent, affolés, près de nous. Nous avons quelques morts à déplorer. Les obus tombent très près de nous. L’un d’eux tombe sur la route en face de notre abri. Les éclats sont projetés sur les parois.

Il y a accalmie vers 1 heure et demie. Enfin vers 3 heures, on se décide à sortir.

Une note arrive du colonel disant d’envoyer tel et tel soldat à la division pour recevoir une récompense. À la 5e compagnie, il y a Masson, 2e classe. C’est un brave qui, à de maintes reprises, a bien fait et même fait plus que son devoir. Il va recevoir la médaille militaire.

Je vais communiquer au capitaine. Celui-ci ne peut communiquer de jour avec la section Culine sinon il risque de faire tuer l’agent de liaison. Je repars dire cela au commandant. Il faut quand même ; j’ignore d’ailleurs pourquoi.

C’est pourquoi le capitaine envoie Férot un excellent petit soldat. Il l’envoie à la mort, me dit-il. 10 minutes après, Masson s’amène couvert de poussière, pâle, sans képi et sans armes, avec un mot de l’adjudant Culine. Il est arrivé en rampant sous les balles et a rencontré le corps de Férot [1] tué. Des obus ont complètement bouleversé la tranchée : il reste onze hommes. Tranchee-bouleverseePlusieurs ont été enterrés dont l’un d’eux, ami de Masson, qui arrive en bégayant, il a presque perdu la notion des choses et a réussi à passer à travers les balles. Culine déclare garder sa position. Le caporal Backhausen [2] de Sedan, un de mes amis, est tué.

Je pars rendre compte au commandant. Masson a bien gagné de nouveau sa médaille.

À part son artillerie, l’ennemi est calme. Le soir, la compagnie part à ses emplacements de réserve, laissant la 7e compagnie en ligne.

Le commandant lui fait dire de prendre les emplacements en A (voir topo [ci-dessous]).

topoTIII

Plan dessiné par Émile Lobbedey (en couverture du Tome III)

Il faudra chercher. Le capitaine envoie des patrouilles. Enfin vers 9 heures, tout est installé et je puis quitter la 5e pour réintégrer mon logis près du commandant. La liaison s’installe dans l’abri voisin. Il y a un gai luron parmi eux, le soldat Paradis. Le lieutenant Péquin est avec nous.

La 8e compagnie est en réserve en B (voir topo), ayant laissé la 6e en première ligne.


[1] Pérot ou Férot : Pas de certitude quant à la lecture du nom de famille.Ferot

S’agit-il alors de Jules FÉROT ? Dont le lieu de décès pourrait convenir, mais pas la date plus tardive. Voir fiche Mémoire des Hommes.
Le seul Pérot du 147e RI est décédé en janvier 1915.
FicheMDHarchives_E790597R

[2] Backhausen :  Il s’agit sans doute de Marcel François Backhausen, voir ci-dessous la fiche Mémoire des Hommes qui, en dehors de la date de décès (29 sept. au lieu de 27), semble correspondre.

FicheMDH-archives_B420109R