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9 décembre

Au petit jour, c’est l’arrivée de Gauthier avec toute sa popote*. Il connaît de nouveau un chemin qui conduit directement à La Harazée. C’est un garçon débrouillard et précieux. La boisson faisait défaut. On avale aussitôt l’eau-de-vie, ration faite pour se donner du cœur à l’âme.

Le temps semblant se remettre au beau, aussitôt on continue l’achèvement de notre hôtel.

Vers midi, tout est terminé et fiers de notre œuvre, nous ornons l’intérieur. Du fil de fer sert à faire une suspension pour l’éclairage, un grillage est installé autour du foyer, des fougères en grand nombre jonchent le sol et nous font un lit douillet, du bois est coupé et dans un coin constitue une réserve de bois sec. Il peut pleuvoir, nous ne craignons plus rien.

Dans l’après-midi, vers 2 heures, Gauthier repart avec Jombart qui se charge de descendre chaque jour à La Harazée. C’est son désir, à notre grande joie à tous. René restera dorénavant. L’organisation est donc complète.

Chacun prend sa place dans l’abri et nous nous mettons à faire notre courrier.poitevin_lecteur-445x268

Vers 3 heures, je vais reconnaître le secteur voisin de gauche avec René. Après bien des détours, en suivant à notre idée la ligne de feu, nous le trouvons ; c’est notre ancien secteur, Bagatelle. Je rentre et repars bientôt avec le capitaine Sénéchal que je guide. Il retrouve dans le commandant du 5e son ancien capitaine quand il était lieutenant. Ils s’embrassent. Le commandant déclare que c’est un secteur empoisonnant ; des bombes continuellement. En effet ce sont des arrivées nombreuses de blessés au poste de secours. Brave, le chef de bataillon est toujours aux tranchées* pour maintenir le moral de ses troupes. Après s’être mis en liaison, le capitaine repart non sans avoir donné à son ancien chef une nouvelle accolade. Sur le retour, nous saluons une joyeuse rencontre : le lieutenant-colonel Brion, commandant le 51e, ex chef de bataillon au 147e.

Dans notre coin, par contre, le secteur est très calme ; très peu d’obus qui tombent d’ailleurs loin dans le bois ; pas de balles ; aucune fusillade. C’est le rêve.

Le temps de plus se remet au beau. Nous nous endormons donc heureux et secs dans l’abri chauffé par un feu formidable.