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25 août

Il est 5 heures et demie quand nous quittons notre emplacement. La nuit a été assez bonne malgré tout.

Dans la matinée, la compagnie s’installe devant un bois et creuse des tranchées*.

CP-TrancheesBoisUne route débouche du bois vers nous. C’est sans doute par là que l’ennemi doit arriver. La journée se passe sans incidents. On voit à plusieurs reprises des patrouilles de dragons* français, cela nous rassure.

Je vais dans l’après-midi reconnaître, dans un bois qui se trouve à notre gauche, une route qui doit nous amener à Chauvency-Saint-Hubert.

À 16 heures et demie, ordre de repli. Il fait grand jour encore. On se presse. Le bataillon traverse le bois sans trop de perte de temps.

Il est 21 heures quand nous formons les faisceaux* devant les habitations.

f1.highresLes habitants maugréent [1] et, peu aimables, refusent catégoriquement jusqu’à de l’eau. Honte à eux ! On exige. Nous pouvons quand même remplir les bidons. Mais pas de vivres.

Sac au dos de nouveau ! Nous allons plus loin ! Le colonel Rémond nous dépasse à cheval avec son état-major. On a confiance : « le vieux est avec nous ».

La soirée se passe à marcher. Il est minuit. On rencontre des troupes en quantité, artillerie, cavalerie, chasseurs à pied. Des autos nous dépassent à toute vitesse. Nous traversons un village très animé et où sont stationnées des troupes prêtes à partir. On dit que c’est Brouennes. Tout le monde traîne la jambe et l’allure est vive. Certains se couchent dans un fossé, disant qu’ils rejoindront, d’autres cachent leur sac. Le lieutenant déclare que tout homme qui restera en arrière sera pris par les boches. Certains, pour se donner du courage, disent qu’on part sur Sedan afin d’avoir un repos de quinze jours.

On fait une pause. J’ai le malheur de m’asseoir. Quand je me réveille, le régiment est parti. Affolé, je prends le pas de gymnastique, butant de tous côtés aux troupes qui suivent notre régiment que je retrouve 2 km plus loin. Peu après, nous cantonnions de nouveau, en plein air, dans un champ. Temps propice, mais il fait froid. Inutile de songer au ravitaillement.

Beaucoup de retardataires arrivent. Tout le monde, même les officiers, est exténué de fatigue. Il fait nuit noire et on défend les lumières.


[1] Maugréer : Manifester une très mauvaise humeur, en parlant ou plus souvent en grommelant.