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24 octobre

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La nuit fut longue et bonne. C’est un coin tranquille. On se lève tard. Le soleil donne et cela nous fait plaisir.

Nous sommes ici en position d’attente. Dans la matinée, je communique un ordre au capitaine. Celui-ci est installé dans un gourbi* potable avec la liaison avec lui.

Vers 9 heures, je me rends à une ferme que je ne connais pas, la ferme de la Seigneurie. En route, je rencontre une corvée de territoriaux qui m’indiquent la direction à suivre.

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Extrait carte J.M.O.* de la 41e D. I. de 1916 (archives_SHDGR__GR_26_N_340__002__0197__T)

J’arrive au bout d’un layon à la lisière d’arbres. Dans la maison d’habitation, deux femmes servent à manger.

Je prends de l’eau à une pompe et rentre au PC du bataillon, distant de 1200 mètres. Nous faisons du café qui nous réchauffe et mangeant quelques conserves. Je ne suis pas à court cette fois, grâce au paquet reçu hier. Dans le cours de l’après-midi, je rentre à Florent avec mes amis les fourriers et l’adjudant De Juniac. Nous allons faire le cantonnement* car le bataillon rentre dans la soirée.

Extrait de la carte d’état-major – Source : Géoportail

Heureux de cette nouvelle, alors qu’on se croyait de nouveau au feu, nous arrivons bientôt au cantonnement. Nous recevons un autre coin, la rue Duperytren ( ?). (Voir topo, Tome IV)

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Plan établi par Émile Lobbedey intitulé Topo Tome IV .

Une heure après, il peut être 6 heures du soir, la compagnie s’installait dans trois granges. Le capitaine et les officiers de la 5e étaient logés avec le commandant dans une vaste demeure faisant le coin de la rue et de la place.

Quant à la liaison, nous avions la remise de la maison avec un banc et une immense table. Au fond se trouvent une chaudière qui nous servira à faire la popote*, et une commode. Du bois est entassé à l’entrée, à droite. Malgré la défense d’y toucher, c’est une ressource.

On s’installe donc. Une volière se trouve dans la remise. Les canaris nous distraient.

Deux fenêtres de la cuisine donnent dans la remise. Les gens ne sont pas des plus aimables. Je réussis cependant à m’introduire et à obtenir de l’eau. Dans la cuisine, je vois le sous-lieutenant Lambert et le médecin aide major Veyrat (Veyrat ?) qui se chauffent tandis que les cuisiniers Chochois et Chopin vaquent à la préparation du repas.Popote01-103-5-31Après le repas qui cuit merveilleusement dans la chaudière, nous partons nous coucher dans une grange voisine où se trouvent cantonnées la musique du régiment et la C. H. R. [1].
Quelle bonne nuit dans la paille !

 


[1] C. H. R. : Compagnie Hors Rang, compagnie unique qui se trouve au niveau du régiment et regroupe ce qui touche au fonctionnement administratif, logistique et au commandement du régiment. On y trouve le secrétariat du colonel et de son petit état-major, les cellules traitant de l’approvisionnement en matériel, habillement, nourriture, un peloton de pionniers pour les travaux de protection, la section de brancardiers qui est en même temps la musique du régiment. Pour commander, il faut assurer les liaisons vers les supérieurs et les subordonnés, et naturellement une équipe de téléphonistes y a sa place.

 

 

 

21 octobre

Nous sommes une vraie famille. De Juniac est l’ancien, le père. Il y a ensuite les quatre fourriers*, Carpentier, Gallois, Huvenois et moi. Gauthier est clairon et cuisinier avec René, l’agent de liaison* de mitrailleuses. Puis viennent les deux cyclistes Crespel et Caillez. Jacques, le maréchal des logis de liaison, fait partie à présent de la suite du colonel.

Dans la matinée, je vais saluer mes amis Verley et Toulouse, secrétaires du trésorier. On parle du pays et cela nous fait plaisir de l’évoquer. Je fais connaissance d’un sergent âgé qui a été affecté avec eux. De retour, je rencontre dans la rue un monsieur de Sedan avec qui j’avais lié connaissance, Bourgerie. Il est arrivé simple soldat réserviste et est affecté comme cycliste et la liaison du colonel.

La journée se passe tranquillement, agrémentée de tartes que nous apporte encore De Juniac qu’on dédommage de ses frais.

À la compagnie, en reçoit des pantalons de velours, ainsi que des souliers. Je reçois une nouvelle paire de brodequins et un pantalon [1]. Cela me comble de joie et la bonne aubaine échoit à chacun d’entre nous à la liaison. C’est une vraie fête.

Mes jambières [1] étaient hors d’usage et les amis étant dans mon cas, nous nous taillons des bandes molletières [2] dans une vieille couverture.

Le soir, nous étions neufs.

Mais bientôt, il peut être 7 heures : alerte. Le commandant nous fait dire que dans 10 minutes, tout le monde doit être rassemblé, prêt à partir. Nous communiquons et revenons nous équiper en hâte, rouler nos couvertures, monter nos sacs, etc…

Puis nous attendons l’ordre de départ.

Nous allons dire qu’on peut former les faisceaux.Gallica-bivouac3 Et deux heures après, tout était terminé. On ne part pas, c’est un simple exercice, dû au général Rabier [3] qui se trouve à Florent, notre général de division. Quelle joie de pouvoir défaire son sac et s’étendre sur la bonne paille !


[1] Consulter le site : http://www.lesfrancaisaverdun-1916.fr/uniforme-habit.htm pour voir les principales composantes de l’uniforme.

[2]  Bandes molletières : Élément de l’équipement des fantassins français, constitué d’une bande en drap de laine enroulée autour du mollet.

[3] Général Rabier : il s’agit de Charles Anselme Adolphe RABIER, dont le fichier LEONORE nous apporte quelques précisions. Vois ci-dessous :
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20 octobre

La nuit fut excellente. On se lève tard. Je crois qu’on ne se lèverait pas si on ne devait pas communiquer. Nos couchons dans la première pièce. Il n’y a pas de paille. Mais tout est clos et on y fait du feu. De la seconde pièce, nous avons fait le salon de toilette, le bureau et le salon de réception.

Gallica-pailleNous touchons de la paille dans la matinée. On l’étend aussitôt, se promettant une nouvelle bonne nuit. Dans l’après-midi, les compagnies touchent du linge. Je m’empare aussitôt d’une chemise et d’un caleçon. Je me change l’après-midi abandonnant le linge que j’ai porté un mois. Malgré ma joie, la mélancolie me prend. Aurais-je jamais cru dans mon existence en arriver à ce point ?

Je vois Lannoy qui a installé le bureau dans une maison et fait ses écritures près du feu. Je lui apporte des pipes que je m’en fus chercher au bureau du colonel, au lieutenant Lebeau.

Notre popote* fonctionne bien. On se distrait à aider à la cuisine. On copie entre-temps quelques notes. On les communique ensuite. Cela distrait et fait passer le temps. De Juniac, au repos du soir, nous apporte une petite tarte aux pommes que l’on mange avec délices. C’est une dame qui fait cela et chez qui il logea le capitaine Claire. On ne peut en avoir plusieurs et il faut commander longtemps à l’avance. Tout le monde militaire s’arrache cela. De bonne heure, on se couche car il faut se refaire les forces. J’apprends dans la soirée que Masson est nommé caporal, c’est un grade mérité.

19 octobre

Repos à Florent

Nous nous dirigeons vers la mairie. Nous y entrons. Une lampe brûle. C’est une espèce de vestibule avec un escalier à gauche.

Nous nous étendons par terre. On dort, laissant De Juniac se débrouiller avec l’officier de cantonnement qui doit se trouver là.

On est réveillé. Il est 5 heures. Il faut aller faire le cantonnement*. De Juniac a reçu l’officier de cantonnement qui, d’accord avec le major, lui a indiqué un coin du village.

Le petit jour se lève. Le village nous paraît grand. La place est vaste. L’église au milieu n’est pas mal. Nous devons occuper plusieurs rues à l’est. On arrive sur l’emplacement. Chaque fourrier a son coin pour loger la compagnie. Je commence aussitôt, mal réveillé. Les habitants dorment encore, il est 5 h 30. Ce n’est qu’au prix de difficultés inouïes qu’ils daignent me répondre. Je suis furieux. (Cantonnement dans la rue C, voir topo Tome IV)

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Topo Tome IV – Schéma réalisé par Émile Lobbedey

Une maison cependant m’ouvre aimablement. Les personnes m’offrent du café et un verre de liqueur. Je loge chez eux le capitaine.

Enfin c’est fait. Je retourne sur la place. Le long des murs, des territoriaux font du café. Je vois également des artilleurs. Les civils viennent à passer, les femmes : je regarde tout grand, cela me semble tout nouveau. Gauthier a réussi à faire un peu de café sur le feu d’un territorial. J’en bois un quart délicieux.

Soudain j’aperçois à cheval le capitaine Aubrun. Je cours vers lui et amène la compagnie à son emplacement. Le capitaine m’annonce aussitôt qu’à la relève un obus est tombé sur la section Culine, pulvérisant trois hommes et en blessant quatre autres.

À 9 heures, tout était fait. La troupe fourbue reposait sur la paille dans trois granges. Le capitaine avait une chambre chez deux personnes, homme et femme bien aimables, acceptant même la popote* des officiers. Les deux lieutenants avaient un modeste lit dans une autre maison aux gens rébarbatifs.

Pour nous, De Juniac a trouvé une maison. Une pièce est occupée par une vieille personne à peu près folle qui vit de ce que laisse la troupe. À gauche, en entrant, se trouvent deux pièces, l’une donnant devant, l’autre derrière. Elles sont malpropres. On se met aussitôt au nettoyage. Avec Gauthier je vais dans un bois non loin couper du bois tandis que le reste nettoie tout.

Je reviens vers 10 heures. Sans être beau, c’est propre. Il n’y a pas de chaises, sinon une espèce de vieille commode. On peut faire un feu de bois. Il y a une petite table boiteuse. La seconde pièce est nue mais c’est un plancher. Une table s’y trouve avec une planche et deux tonneaux qui servent de sièges. Nous sommes heureux de trouver tout cela.

Déjà les denrées ont été cherchées. On commence immédiatement la popote. On se nettoiera l’après-midi. Des biftecks ne tardent pas à cuire et on s’en donne à cœur joie.

Vers 11 heures, je me rends dans la rue où se trouve cantonnée la compagnie, déjà de nombreux feux sont allumés et les cuistots préparent la popote.

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Florent, campement militaire : la troupe au repos – 1915.07.18 ©Ministère de la Culture (France)

Je vois le lieutenant Lambert causant avec un soldat de première classe, Godart, venu en renfort sans doute. Il fut blessé le 28 août.

Le commandant Jeannelle est logé près de nous. Il vient nous voir, demande si tout s’est bien passé et se dit tout à fait rétabli. Le capitaine Sénéchal a repris sa place près du colonel.

L’après-midi se passe à communiquer des ordres et à se nettoyer. Je vais voir à la voiture de compagnie où se trouvent sans doute dans le coffre une dernière chemise et un dernier caleçon. Je ne trouve rien. Franchement, je commence à en avoir assez de me promener avec une seule chemise.

Je me débarbouille quand même, remettant au lendemain le lavage complet et je passe le reste de l’après-midi à somnoler.

J’attends des colis, des lettres. Rien n’arrive.

Vers le soir, je descends faire un tour dans le village. Il n’y a pas de café. Il n’y a rien d’attrayant. Je fais une visite dans l’église et rentre l’âme morne.

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Florent , une rue avec des soldats – 1915.07.27 ©Ministère de la Culture (France)

18 octobre

Relève de tranchées

Nous rentrons au petit jour. Il a encore plu la nuit. Les terrains sont détrempés et on glisse à tout instant. La journée est encore agrémentée de quelques obus.

Je vois à plusieurs reprises le lieutenant Péquin qui loge avec le capitaine Sénéchal.

Je vois aussi mon cousin Louis qui est en réserve non loin de moi. Ni l’un ni l’autre n’avons de nouvelles des nôtres.

Hier soir, nous avons touché de nouveau du tabac. On passe sa journée à fumer. Vers 5 heures de l’après-midi, nous recevons l’ordre de relève*. Il commence à être temps. Chacun était fatigué.

Bientôt, l’adjudant de bataillon et les quatre fourriers*, suivis de notre clairon cuisinier Gauthier, nous partons faire le cantonnement à Florent.

Il fait déjà nuit noire. Heureusement nous connaissons un peu la route à travers bois et Gauthier la connaît très bien. Le temps et brumeux. Il a plu. On glisse. De guerre lasse, après un certain parcours et des chutes nombreuses, nous allumons une lanterne que nous avons avec nous. On se suit à la queue l’un de l’autre. Plusieurs fois, des officiers rencontrés nous ordonnent d’éteindre notre bougie. Nous allons attirer des obus, dit-on. On rallume chaque fois un peu plus loin.

Enfin, après une marche impossible à décrire, on descend une pente glissante où sont stationnées des troupes qui, elles aussi, protestent contre la lumière. De guerre lasse, nous l’éteignons. Je prends une bûche dans la descente. Il peut être 8 heures. Nous sommes dans La Harazée.

On continue et à la sortie nous faisons une longue pause qui nous semble délicieuse car on n’en peut plus. Nous quittons pour nous appuyer une forte côte du haut de laquelle nous apercevons toutes les lumières de La Harazée. Des batteries d’artillerie y sont installées.

Gallica-batterie On file clopin-clopant. La route fait un serpentin. Nous arrivons dans une autre agglomération que nous ne connaissons pas. C’est la Placardelle. Beaucoup de monde y circule et c’est un brouhaha indescriptible. Nous faisons de nouveau la pause à la sortie. C’est à croire que nous ne pourrons aller plus loin.
Un cycliste arrive et bute contre nous.Gallica-Vaguemestre On va s’invectiver quand on reconnaît la vaguemestre* Renaudin qui vient à la rencontre du bataillon. On lui dit qu’il peut attendre toute la nuit car le bataillon n’est pas près d’arriver. Il se charge donc de retourner et de nous conduire à Florent, village que nous ne connaissons pas. Il peut être 10 heures du soir.

Bientôt, c’est une nouvelle côte qu’il faut passer rapidement, car les balles y sifflent. Cela nous laisse froids, on en a vu bien d’autres. D’ailleurs impossible d’aller plus vite, on n’en peut plus.

On fait la pause de nouveau, désespérant d’atteindre jamais le contournement. Il y a encore 6 km à faire, on repart. Pour me distraire, je compte les pas, heureux de rapprocher petit à petit.

Gallica-ArtillerieConvoiNous rencontrons des convois d’artillerie en quantité. Il ne pleut pas mais il a plu et les terrains sont boueux. De chaque côté de la route, c’est un bois. On désespère d’en voir la fin.

Enfin, après deux heures de marche et de multiples pauses espacées de 500 en 500 mètres, nous atteignons notre but. On tourne à gauche et une sentinelle*, 100 mètres plus loin, nous arrête. De Juniac a le mot heureusement et nous passons.

On voit ou plutôt on devine les premières maisons. On tourne à droite, voici une rue qu’on monte, guidés toujours par Renaudin et nous arrivons bientôt sur la Grand-Place.

Arrivés, cri de joie ! Mais le cantonnement* est à faire !

16 octobre

Nos braves cuisiniers nous apportent la pâtée au petit jour. Après vingt-quatre heures de jeûne, on mange avec appétit. Une innovation soulage les cuisiniers d’escouade*. Un mulet par compagnie les accompagne, transportant le pain et quelques vivres. Au PC du bataillon, tout est descendu et transporté aux tranchées.

Le ravitaillement en munitions se fait très bien aussi. La consommation des cartouches est effroyable.

Le capitaine, dans une de mes communications, me parle des bombes que les troupes continuent à recevoir. Nous n’avons rien pour répondre. Heureusement, les tranchées sont couvertes en grande partie. J’amène au PC Sénéchal une espèce de boîte éclatée, remplie de poudre brûlée et en cuivre reçue à plusieurs reprises.

Notre vie dans le gourbi* est tranquille. On fait du feu et nous pouvons manger chaud. La place n’est pas grande. À trois nous sommes très serrés mais la nuit nous avons d’autant plus chaud.

La vaguemestre* arrive chaque soir vers 4 heures et amène quelques lettres. Le service postal semble fonctionner normalement.

Les agents de liaison* en second se sont également confectionnés un gourbi et se déclarent heureux. Ils nous sont d’un grand soulagement car les notes à communiquer sont souvent nombreuses.

Nous apprenons dans la journée qu’une tranchée* a été perdue au 3e bataillon sous une formidable poussée boche. La 11e compagnie s’est défendue jusqu’à la mort, particulièrement la section du sous-lieutenant Ardant du Masjambost [1] qui est tué et dont le corps est resté aux mains ennemies.

Ce soir, la 7e compagnie relève la 8e qui est en ligne depuis notre arrivée ici. De Juniac, l’adjudant, veut faire comme nous et accompagne les cuisiniers au ravitaillement. C’est un charmant garçon !


[1] Ardant du Masjambost : voir ci-après la fiche Mémoire des Hommes qui, en dehors de la date de décès (16 octobre au lieu de 15), semble correspondre

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24 septembre – Deuxième partie : L’Argonne

TomeIII

Couverture du troisième cahier intitulé Tome III

Deuxième partie – Chapitre I Servon–Melzicourt
(Voir topo fin du Tome III)

La nuit s’est passée à veiller et à communiquer des ordres. Vers le matin, on somnole un peu, mais au petit jour, nous partons tous et battons la semelle tellement il fait froid.

Gallica-caganLa cagna* que nous occupons a peut-être 10 mètres de longueur, le long du talus, sur 2 mètres 50 de largeur.Un peu de paille jonche le sol. Quatre couvertures sont l’héritage du 51e. Nous sommes là-dedans, le commandant au fond et vers la sortie, successivement, De Juniac, Gallois, Carpentier, l’agent mitrailleur René, les deux cyclistes, le clairon, Huvenois et moi près de l’entrée. Cela m’a valu une couverture que je partage avec Huvenois. Le maréchal des logis est resté à l’arrière, près du colonel, avec les éclaireurs montés.

Le commandant nous explique l’organisation car nous sommes ici sur la défensive pour quelques jours.

Deux compagnies en 1ère ligne, 5e et 8e, à gauche et à droite de la route (voir topo) ; deux compagnies en réserve, 7e et 6e, la première près de nous, la seconde un peu à l’arrière (voir topo [ci-dessous]).

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Plan (orienté vers le Nord) dessiné par Émile Lobbedey (en couverture du Tome III)

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Source : J.M.O. [1] du 147e régiment d’infanterie (26 N 695/10 – J.M.O. 1er août-15 octobre 1914) http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr

Extrait de la carte d’État-major – Source : Géoportail

Relève* tous les trois ou quatre jours, la 5e par la 7e, la 8e par la 6e.

Quant à la nourriture, corvée de cuisiniers et hommes de corvée chaque soir avec le caporal d’ordonnance et le caporal fourrier, par compagnie, séparément. Les cuisiniers feront la popote* à Saint-Thomas et l’amèneront la nuit.

Le temps est beau. On se chauffe au soleil. La situation est calme, à part quelques coups de feu de temps en temps.

Dans la journée, nous recevons quelques obus qui éclatent très près et nous font réintégrer notre cagna rapidement. Celle-ci n’a aucune solidité et ne peut nous protéger que des éclats, mais se trouvant posée contre un talus élevé et à pic, il y a des chances pour que l’obus ne puisse nous atteindre.

Dans l’après-midi, le capitaine Rigault, de la 7e compagnie, vient chercher refuge près du commandant. Il n’a pas de Kasba [2]. Sa liaison de compagnie s’installe dans le petit abri voisin du nôtre.

Le soir, les cuisiniers s’en vont. Le clairon Gauthier, René, l’agent de liaison mitrailleur, et le cycliste Crespel partent pour faire notre popote. Le fourrier* Carpentier accepte de les accompagner chaque soir. Le commandant partagera simplement nos repas. C’est le plus capable et le plus charmant des chefs. Avec lui, c’est pour nous la tranquillité d’âme, car on sent qu’il ne se départit jamais du plus grand calme et on sent qu’il tient sa troupe en main et connaît son affaire à fond.

La troupe parle beaucoup aujourd’hui du jour de la libération de la classe 1911 manquée.


[1] J.M.O. : Journal des marches et opérations des corps de troupe

[2]Kasba (casbah, kasbah ou qasaba) : En Afrique du Nord, citadelle et palais d’un souverain, parties hautes et fortifiées d’une ville. Dans le langage populaire il indique une maison, ici, il est synonyme de cagna.