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19 novembre

Au petit jour, nous entendons une fusillade assez nourrie, suivie d’explosions nombreuses. Je cours au PC du capitaine Aubrun. Celui-ci est sur les dents, prêt à toute éventualité tandis que le 272e se tient à la disposition du capitaine commandant le bataillon.

On rend compte au capitaine de la 5e compagnie que c’est l’ennemi qui, voyant les carrés grillagés protégeant la tranchée, a dirigé un feu nourri tandis qu’il envoyait quantité de bombes sur ce pauvre rideau de protection qui n’a eu aucune vertu et est en miettes.

On déplore quelques blessés et un tué dont j’apprends le nom avec douleur : Georges Huyghe [1], un grand ami du pays, sergent-chef de section, tué au créneau en faisant le coup de feu avec ses hommes. Le sergent Collin, chef de section, est blessé également. Le capitaine est désemparé. Deux de ses chefs de section partent. Devant moi, il pleure et c’est un spectacle navrant.

Je rentre au PC du bataillon rendre compte au capitaine Sénéchal et retourne au PC de la compagnie où doit arriver le corps du héros. Celui-ci arrive tandis que les brancardiers sont déjà là. Nous recueillons ses papiers, le sergent major et moi, son portefeuille, son porte-monnaie, et adressons un au revoir à la dépouille dont la balle ennemie a ouvert le crâne.

Delporte me console car c’est un nouveau deuil pour mon cœur d’ami. Je passe mon après-midi sans goût et j’écris aux parents du malheureux camarade tombé ! Le vaguemestre* arrive sur ces entrefaites. Je reçois un mot des miens ainsi que de René Parenty, lieutenant, de mes meilleures relations. Cela me remonte un peu. Blanchet assure entièrement le service de liaison.

Vers le soir, une petite fusillade éclate et le 272e prend aussitôt position. Ce n’est qu’une fausse alerte. Le temps se maintient toujours beau, sec. Il gèle à pierre fendre, la clarté de la lune donne l’illusion qu’il fait jour.


[1] Georges Huyghe : Il s’agit de Georges Gaston HUYGHE, voir ci-dessous la fiche Mémoire des Hommes.

FicheMDHarchives_G100652R

18 novembre

Nous rentrons au petit jour. À la Harazée, nous avons passé la nuit, allongés au coin du feu, dans une maison ouverte à tous vents. Je m’étais armé d’une couverture qui m’a bien servi.

Je retrouve mon gourbi* et mon charmant compagnon, le lieutenant Delporte. La nuit fut calme à part quelques bombes.

Dans la matinée, de Juniac vient nous dire bonjour. Le brave garçon est pris d’un gros rhume et vient se chauffer un peu. Il est pâle, les traits tirés et dit qu’il va médiocrement. Il n’a pas fini de le dire, qu’il a une faiblesse. On lui donne un peu d’eau-de-vie qui le fait revenir à lui. Je cours avertir le capitaine Sénéchal. Celui-ci donne ordre à notre ami d’aller se reposer le reste du séjour à la Harazée.

Forcé de s’incliner, le courageux adjudant ne part qu’à regret. Gallois, plus ancien et de grade plus élevé, le remplace.

L’après-midi, nous recevons des carrés grillagés de trois mètres sur trois, destinés à être placés devant les tranchées* afin d’empêcher les bombes d’arriver. Le capitaine Aubrun envoie des corvées* en chercher. Ce n’est pas très pratique à transporter dans les boyaux*. Enfin, ordre est donné de les placer cette nuit.

Le reste du temps libre se passe à aménager le gourbi* sous la direction du lieutenant Delporte qui veut en faire un hôtel confortable.