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2 septembre

À 5 heures, tout le régiment est rassemblé dans des champs à la lisière du village. Nous partons.

On arrive bientôt à Grandpré. Après une halte à l’entrée du bourg, nous le traversons. Il est désert. GrandPreTous les volets sont clos. À la lisière sud, la route longe une lisière de bois et bientôt nous nous arrêtons un bon moment de nouveau. On en profite pour saccager les vergers.

Extrait de la carte d’état-major – Source : Géoportail

Nous repartons. Il peut être 7 heures. Nous tournons à gauche ; temps splendide. Nous arrivons dans un village à 5 km de là, Termes.

Après une pause nous repartons et traversons bientôt une voie ferrée.

À gauche dans une pâture, nous apercevons quantité de chevaux et voitures de fugitifs. Gallica-fuitePop2Soudain nous recevons une vingtaine de gros obus percutants*. Ceux-ci sont trop courts de 100 mètres et tombent en majeure partie dans le camp des fugitifs. Toute la colonne de troupes prend aussitôt le pas de course. Nous n’avons pas le temps de voir les conséquences du ravage. L’impression est pénible. Je vois malgré tout encore une femme affolée, tenant un enfant dans ses bras et fuyant à travers champs vers le village de Mouron.

Un peu plus loin nous faisons halte à Senue.

La marche prend bientôt l’allure d’une fuite. Peu ou pas de pause et allure vive.

Je revois le général de brigade Lejaille* et l’entend dire en passant « Nous avons échappé à une belle saignée ». Nous prenons à travers champs. Il est midi. Nous nous demandons où nous allons. Enfin nous rencontrons un village, Autry. Il est 3 heures. Ce doit être l’étape, car on s’y arrête ; mais pour repartir de nouveau dans un champ au sud du village, le long de la lisière d’un bois.

Extrait de la carte d’état-major – Source : Géoportail

On s’arrête, nous pouvons faire du feu ; mais pas de ravitaillement.

On prend le parti d’étendre des bottes de paille dressées sur le champ.

Des avant-postes sont installés.

La nuit tombe. Harassés de fatigue et l’estomac creux, on s’endort, malgré le bruit des autos et des convois d’artillerie qui passent sur la route à proximité.

31 août

À 4 heures, je suis réveillé par mon fidèle Carbonnier qui a dormi dans la grange destinée à la compagnie ; il m’est reconnaissant de ne pas l’avoir signalé.

Le régiment part. J’attends la compagnie sur la route, elle passe se repliant. Nous filons sur Grandpré. On arrête un long convoi de chevaux et voitures, chariots, civils qui fuient l’invasion. Nous devons à tout prix passer devant.

Belgian_refugees_1914

Réfugiés belges fuyant les Allemands avec leurs chevaux de trait, en 1914.

Il est 7 heures. La marche est lente. Nous traversons un village, le Morthomme. Dans le village, nous passons devant le général de division Rabier qui nous demande le nom de notre chef de bataillon : commandant Saget.

Halte ! Puis nous repartons.

Nous arrivons à Grandpré vers 11 heures. Temps très beau.

Extrait de la carte d’état-major – Source : Géoportail

Après une pause, nous partons dans une direction inconnue. Nous traversons un pont au-dessus d’une rivière : c’est l’Aire, dit-on.

31 août (suite)

À 1 km du bourg, nous faisons halte sur le bord de la route. Le 91e d’infanterie passe : je salue un de mes amis sous-lieutenant de réserve, ancien du 147e, Weil de Sedan.

Le cantonnement à Chevières, petit village sans grande ressource.

Lannoy le fait vivement. Peu de place. On s’installe tant bien que mal. Il est 4 heures. Une maison d’habitation est abandonnée. On y fait la popote* de sous-officiers. Le ravitaillement arrive. On mange. Nous couchons sur la paille dans une pièce. On peut se déchausser.

Gallica-ReposPaille