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6 septembre

Vers 8 heures, nous sommes réveillés. La nuit a été excellente. C’est drôle, nous sommes presque reposés. Je porte quelques notes au capitaine : l’une d’elles me comble de joie car elle dit que le régiment cantonne ici. Je me lave ; quel bonheur. La maison d’habitation qui touche notre petite grange est proprette. Nous y entrons et la dame aimable nous donne vin, confitures, fruits, pain. C’est fête de nouveau. Qu’il fait bon se reposer toute une journée ! Le village est Cheminon-la-Vieille.

Nos sacs sont arrivés en partie seulement. Quelques chariots ont sans doute fait fausse route. C’est une grande ombre au tableau. Je ne retrouve pas le mien dans le fouillis inextricable du déchargement. Et la lampe pigeon* que j’avais si bien enveloppée ; vraiment elle ne m’a pas porté bonheur. Cela fait la quatrième fois que je perds mon sac. C’est à désespérer. Et où est le ravitaillement ? Dieu sait.

Je prends le parti d’acheter ce que je puis trouver : des pommes et du pain.

Soudain un ordre : départ à 11 heures.06-09-14

Que c’est dur pour démarrer !
Les jambes sont ankylosées ! Et on devait rester ici toute la journée ! C’est à ne plus rien croire.

Je n’ai donc plus de sac ! Plus de linge ! Rien, à part quelques pommes et un bout de pain dans ma musette.

Où allons-nous ? Jamais je n’aurais cru qu’on pouvait mener une vie si dure. Je n’ai pas changé de linge depuis Chevières [le 31 août]. Dieu sait dans quel état de malpropreté je suis.

Nous passons vers 2 heures à Scrupt, je crois. Le temps est splendide. À 4 heures, nouveau village : Heiltz [-le-Hutier].

Enfin, vers le soir, nous sommes dans un gros village : Thiéblemont [-Farémont]. On y trouve d’autres troupes mais, ce qui est mieux, le ravitaillement. Le train de combat et les voitures régimentaires sont là également.

Extrait de la carte d’état-major – Source : Géoportail

Il peut être 6 heures du soir. L’étape n’a pas été trop longue.

Le bataillon se place à la sortie nord du village. On allume des feux, les cuisiniers font la popote* et des bouteilles de vin fin et d’eau de vie arrivent, que de bons camarades ont déjà trouvées dans des caves de maisons abandonnées.Gallica-Cuisine3

Vers 10 heures, nous partons à 4 km dans le village de Favresse. Nous couchons dans une grange.

Depuis ce matin, j’ai des démangeaisons insupportables. Qu’est-ce ?


Parcours de la retraite du 147e RI, du 28 août au 06 septembre 1914

Parcours de la retraite du 147e RI, du 28 août au 06 septembre 1914

4 septembre

Nous partons de bon matin. Jamais de nouvelles de chez nous. Cela commence à peser à tout le monde.

On est un peu démoralisés par la retraite [1]. Enfin nous avons eu le ravitaillement et avons quelque chose pour aujourd’hui. Heureux celui qui a pu conserver son sac jusqu’à ce jour ! On l’apprécie pour s’asseoir, se coucher, y mettre un peu d’affaires à soi, etc…

Nous tombons sur une grand-route. En route, on dit que le commandant Saget est passé lieutenant-colonel. Le temps est beau et la marche normale.

Malheureusement pour faire, un peu plus loin nous dépassent le général Rabier et sa suite. Il trouve que nous n’allons pas assez vite et attrape le colonel Rémond qui part en hâte au galop.

Je vois une borne kilométrique : Vitry-le-François 44 km.

Il est 7 heures de l’après-midi quand nous arrivons au Vieil-Dampierre.

Extrait de la carte d’état-major – Source : Géoportail

Je fais le cantonnement* et si peu de choses.

TomeII

Couverture du deuxième cahier intitulé Tome II

4 septembre (suite)

J’ai la gauche de la route où se trouve une seule ferme près de la route. Celles plus loin ne m’appartiennent pas. Dans la maison, je loge les officiers, dans les granges la troupe. Le fermier seul reste ; il part demain. Il donne tout pour [que] cela ne serve pas aux boches. On fait la cuisine de la compagnie dans la cour. Le ravitaillement nous est parvenu.Gallica-Cuisine6Je reçois du vaguemestre*, au moment où je bois du lait à la porte de l’étable, un mot de la maison avec un mandat de 30 frs. La lettre porte le cachet de séjour à Laon.

Lampe pigeon

Lampe pigeon

Je prends dans la ferme une petite lampe pigeon que je mets soigneusement dans mon sac. Elle pourra toujours me servir.

Je m’endors dans le foin, tirant mes souliers. Je suis toujours avec la liaison du bataillon. Nous sommes dérangés quatre fois la nuit pour porter des ordres. Dans le foin, avec nous se trouvent des fugitifs civils, femmes et enfants. Cela fait peine à voir.

 


[1] Retraite : Marche en arrière d’une armée qui ne peut se maintenir sur ses positions.