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2 décembre

Non loin se trouvent une pompe et un puisard. Chaque matin nous en profitons pour nous débarbouiller. Avantage apprécié de nous tous qui, plus ou moins atteints de vermine, sommes de ce fait des plus malheureux. Quand et comment réussira-t-on à s’en débarrasser ?

Une note arrive demandant un agent de liaison* à demeure entre le régiment et la brigade. C’est la 5e qui le fournit et je procure la bonne place à un charmant garçon, soldat de première classe, décoré de la médaille du Maroc, Boulanger, que toute la compagnie surnomme « bou, boul ». Ce dernier s’installe dans une pièce où se trouvent une dizaine d’agents de liaison de tous les régiments du bois.

Dans la matinée s’offre à nous un spectacle nouveau. Un obus incendiaire est tombé sur une maison qui est en flammes et communique le feu à quatre autres. C’est un spectacle peu banal que cet immense incendie.

Mon ami Maxime Moreau, sergent à la 5e, est là pour surveiller afin d’empêcher les badauds d’approcher trop près.

Il n’y a rien à faire, me dit-il, pour essayer d’éteindre. On n’a ni pompes, ni récipients, ni eau. D’ailleurs, conclut-il philosophiquement, ce sont de vieilles boîtes ; il n’y a qu’à laisser brûler. De ce fait cinq maisons brûlent. Heureusement qu’elles sont un peu isolées sinon je crois que tout un quartier y passerait. Malgré tout, je ris beaucoup de voir mon ami Maxime pompier.

L’incendie continue jusqu’à ce que tout soit consumé ; le soir la lueur est encore grande aux alentours. Les boches doivent se réjouir.

Quant à nous, cela ne nous empêche pas de continuer nos soirées amusantes. Toute la bande rit malgré les murmures de quelques mitrailleurs que nous empêchons de dormir.

Vers 7 heures, le village reçoit quelques obus. Sans doute le ravitaillement est-il visé. Quelques pauvres maisons reçoivent le cadeau boche. Nous n’avons pas de malheur à déplorer.

Le temps est gris et pluvieux ; le vent souffle ; l’obscurité est complète.


 

26 novembre

Je suis en plein sommeil quand la 5e compagnie rentre de son équipée. Le capitaine vient me voir. Je me lève et l’informe que le cantonnement* est le même. Il fait un temps de chien au-dehors et le capitaine est assez bon pour me dire de me recoucher.

Au matin, nous recevons la visite intempestive du sergent major de Brésillon. On dit qu’il brigue la place d’adjudant de bataillon. Gallois et lui ont une petite algarade. Il s’en va de guerre lasse, houspillé par nous.

Dans la matinée, on parle encore d’un changement possible : Sénéchal, adjoint au colonel, de Lannurien, chef de bataillon.

Vers midi, je suis appelé par le capitaine pour un changement de cantonnement, le 1er bataillon ayant quitté le cantonnement pour les tranchées*.

Je passe donc mon après-midi à installer la compagnie vers l’autre extrémité du pays, direction La Harazée. CP-LaHArazee866_001L’ordonnance Vandewalle (?) et les cuisiniers prennent deux maisons abandonnées et trouvées dans le plus grand état de malpropreté. Petit à petit, le nettoyage se fait et le soir ces Messieurs sont installés.

J’ai fait mieux et réservé une maison pour mes amis sous-officiers qui y installent un semblant de popote.

Avant mon repas, je vais les voir. Ils sont déjà installés et occupés à se restaurer. Je vois Culine, adjudant, Lannoy, sergent major, Gibert, Cattelot, Maxime Moreau. Lannoy me dit que mon agent de liaison, Blanchet, va passer incessamment caporal.

L’adjudant Culine me dit de prendre un bon petit soldat que j’accepte aussitôt : Pignol.

Je rentre à la liaison. Nous sommes un peu en verve de gaieté ce soir. Jombart nous a préparé un riz au chocolat réussi. Nous chantons, restant à table assez tard. Carpentier ayant trouvé quelques nippes de femmes, s’en est affublé et nous avons beaucoup ri.

Nous sommes toute une famille. Gallois, Carpentier, Courquin, et moi, sergents fourriers, les caporaux fourriers Jombart et Legueil des 6e et 8e compagnies, les deux cyclistes, Crespel et Cailliez, que nous appelons « Mievile » (??) Gauthier, René, et les deux agents de liaison élèves caporaux de la 5e, Blanchet et de la 7e Frappé. C’est un véritable état-major pour le capitaine commandant.