Archives par étiquette : Peltier

22 décembre

Aujourd’hui Gallois nous annonce qu’il fête ses galons. Nous allons donc aux emplettes. Un magasin épicerie se trouve non loin de leur ; on achète donc pour 50 Fr. de marchandises, Champagne, gâteaux, conserves, etc.… Ce sera une vraie fête.

Cependant harcelés toujours par les notes, nous décidons de remettre la fête au soir où nous jouissons toujours d’une grande sécurité. Ainsi dit, ainsi fait.

La journée se passe en grande partie a été notre cuisinier qui se dépense sans compter et met à notre disposition tous ses talents culinaires.

Le temps au dehors est un vrai temps de décembre. Dans l’après-midi nous recevons la visite du capitaine Sénéchal qui nous trouve un peu à l’étroit et rit beaucoup de nous voir tous à l’œuvre.

Nous recevons plusieurs visites : le sergent Couture, sous-officier aux voitures de ravitaillement, le sergent Peltier, chef d’une section de mitrailleuses, jusqu’à celle de Lannoy, sergent Major à la 5e compagnie. On parle, on jase etc.…

Le soir tombe. Il est 5 heures, à table. Notre matériel s’est agrémenté de quelques chaises empruntées à la maison d’en face. Gauthier aide de René faire avec brio, tandis qu’autour de la table où du papier sert de nappe chacun son mouchoir au cou en guise de serviette mange avec appétit. Nous sommes toute une bande : Gallois adjudant qui nous régale si généreusement, Carpentier, Sauvage, Menneval et moi fourriers, Jombart caporal fourrier, Caillez et Crespel, cycliste, Jacques, maréchal des logis de liaison notre invité, René le mitrailleur et le sympathique clairon cuisinier Gauthier qui assit sur le lit quand il ne sers pas mange comme 4.

Au dessert je me lève et porte un toast de remerciement et de souhaits pour l’avenir de notre sympathique ami à qui nous devons camaraderie et obéissance.

On débouche Champagne qui coule dans nos quarts et pétille à nos yeux ravis. On mange force pâtisserie. Carpentier pousse une chanson connue. On s’amuse follement… Quand note… Départ cette nuit à une heure pour la cote 211.

C’est une douche, mais ce n’est que la cote 211 et on ne part qu’à une heure.Cote211-archives_SHDGR__GR_26_N_340__002__0197__T
Chacun communique donc rapidement la nouvelle a son commandant de compagnie et revient vivement à la bonne table où de nouveaux gâteaux ont remplacé les anciens et de nouvelles bouteilles les « cadavres » disparus.456_001
Il est 9 heures quand 2 clans se forment : dormir ou ne pas dormir selon la formule anglaise fameuse « To be or not to be », être ou ne pas être. Ce n’est pas comme à la chambre, pas de discussions violentes. Les dormeurs, couchez-vous ; les joueurs de cartes à vos places.

Et c’est ainsi que durant la nuit, véritable veillée d’armes les manilles succèdent au manille agrémentées de coups de poing sur la table, de cris, d’exclamations et même de ronflements qui partent de la pièce voisine.

21 novembre

Relève des tranchées

Ce matin, allant chercher le compte rendu de la nuit, je vois au PC du capitaine un sergent, Peltier, chef de section des mitrailleuses. Il est blessé à la tête, mais reste : le capitaine le félicite, heureux, car deux de ses chefs de section manquent à l’appel. Gibert commande la section Huyghe. Je vois également le sergent Pellé qui se chauffe : il est gelé. Il est vrai que la température est basse. Les boches sont calmes, me dit-il. En effet, quand je communique, les balles sifflent moins.

Vers midi, nous apprenons que nous sommes relevés ce soir par le 120e.

courrier1Dans l’après-midi, le vaguemestre* m’apporte du courrier : lettre de René Parenty qui est au 8e territorial, cantonné à Crochte, village près de chez moi ; sa dame et sa fille sont à la maison et il a la joie de les voir ; il me parle de la vie de famille qu’il mène et cela me fait gros cœur malgré tout. Combien je donnerai pour une heure chez moi ! Je reçois également des nouvelles de ma mère, avec mandat toujours reçu avec joie et empoché avec hâte.

Aussitôt je réponds un simple mot avec mes vœux de sainte Catherine pour ma tante et de conservation pour le lieutenant Parenty.

Je communique l’ordre de relève au capitaine, ainsi que l’envoi de tous les cuisiniers à la Placardelle. C’est là que nous cantonnons de nouveau.

Vers 7 heures, je pars laissant Gallois avec le capitaine commandant le bataillon et les agents de liaison en second. Jombart, caporal fourrier de la 8e, Courquin et un sergent de la 7e m’accompagnent ainsi que Gauthier, notre cuisinier toujours précieux comme guide dans le bois et qui connaît la route à fond. Je suis chargé de faire le cantonnement*. Nous passons à la Harazée par un beau clair de lune. J’y prends au passage pas mal de cuisiniers qui m’attendent.

Il est 9 heures quand nous arrivons à la Placardelle, but de l’étape. Je vois l’officier du régiment qui, après quelques tergiversations, me donne le cantonnement de la dernière fois en me rognant toutefois quelques maisons, particulièrement notre maison de la liaison.

Le cantonnement est donc rapidement réparti entre les compagnies.

Pour la 5e compagnie, je loge la troupe comme la première fois. Le village est évacué depuis quelques jours. Quelques maisons sont démolies : le village a donc reçu des obus. C’est ce que j’avais prédit. Je trouve des hommes de fractions isolées un peu partout. Rien à craindre. Ils partiront rapidement avec un foudre de guerre comme le capitaine Aubrun.

Dans le logis de mes officiers, je trouve des hommes du 120e en train de veiller un capitaine défunt. Le corps sera enlevé la nuit. La maison est dans le plus grand désordre. J’abandonne donc le projet d’un logement ici.

Je vais donc voir la demeure ou plutôt le refuge lors de la première arrivée. Les habitants ont disparu. La maison est donc entièrement à moi avec ses quatre pièces. J’y installe les cuisiniers du capitaine. Ceux-ci nettoient à la lueur de bougies. Il y a deux fauteuils, deux lits avec sommier, une table en chêne, un buffet, quelques chaises. C’est tout ce qu’il faut pour faire une pièce convenable.

Je rencontre Jombart tandis que les cuisiniers touchent les vivres aux voitures qui sont arrivées. Il a trouvé une maison pour nous.Lieu:Saint Crepin aux Bois - Description:GUERRE 1914-15 - OFFEMO Elle se compose d’une seule vaste pièce avec lit au fond, foyer, commode, buffet, table et quelques chaises. Le tout doit être nettoyé mais Gauthier a déjà un balai en main et procède à l’installation.

Derrière, par une porte vitrée, on accède à une petite cuisine. C’est là que nous logerons nos agents de liaison en second.

Et voilà ! Le feu pétille. Il peut être minuit. Attendons l’arrivée du bataillon.