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[1] La relève : c’est le remplacement d’une unité par une autre dans les tranchées. Opération dangereuse car bruyante et conduisant au regroupement d’un grand nombre de combattants, elle se fait généralement de nuit. Sa périodicité n’est pas fixée strictement, mais une unité en première ligne est généralement relevée au bout de quatre à sept jours. La relève s’effectue par les boyaux.

6 octobre

Relève des tranchées

Je reçois une lettre de maman datée du 24 dernier. C’est une immense joie car les nouvelles se font rares. Voici 15 jours que nous sommes ici.papier-a-cigarettes-poilu-1914-1918

Les cuisiniers nous ont apporté un paquet de tabac. Ce qui manque, ce sont les feuilles de papier à cigarettes. On réussit quand même à en emprunter deux ou trois. Quand on n’en a pas, on fume dans un papier de journal.

Là où la pénurie se fait sentir davantage, c’est en bougies et allumettes. J’écris à la maison pour qu’on s’empresse de m’en envoyer.

C’est dire qu’avoir le nécessaire dans notre situation frise le luxe.

Vers midi, nous recevons la visite du colonel Rémond et du capitaine Sénéchal, accompagnés du cycliste Calonne. Le colonel fume sa pipe. Il parle à l’extérieur avec le commandant et s’en va vers 2 heures.

Le commandant nous fait alors communiquer que nous allons être relevés* le soir. Quelle bonne nouvelle ! À part quelques obus, la journée est assez calme. Espérons que tout se passera sans casse.

À la tombée de la nuit, des éléments du 87e arrivent, commandant en tête. Les consignes se passent. Je conduis l’agent de liaison de la compagnie correspondante à la mienne, à l’emplacement occupé et à occuper. Il peut être 10 heures quand celle-ci relève la 5e compagnie.Gallica-Releve-InfantTout le bataillon a rendez-vous dans Saint-Thomas où va se faire le rassemblement.

Je rejoins la liaison près du PC et notre Kasba*. Bientôt nous partons vers Saint-Thomas où les deux cyclistes et Gauthier nous ont précédés afin de préparer quelque chose de chaud.

Nous arrivons dans Saint-Thomas. Il peut être minuit. Le village est toujours aussi démoli. Il fait beau clair de lune. Les boches ne tirent que quelques shrapnells*. Voici le lieu de la popote*. C’est une maison dont le toit est percé et l’intérieur en piteux état. Il devait y avoir deux pièces ; l’une n’existe plus, l’autre, celle où nous entrons, a un mur défoncé. On y trouve cependant un restant de lit, deux chaises et une table boiteuse. Pour y accéder, il faut passer sur des tas de matériaux et de tuiles cassées qui jonchent le sol parmi les trous d’obus.

La popote est prête. Une soupe chaude, de la viande cuite et du riz au lard. C’est un festin royal pour nous. Le commandant donne l’exemple et nous mangeons tous d’excellent appétit. Un café nous réchauffe. Une cigarette fait faire la digestion. Nous pouvons repartir.

Je vais voir la compagnie afin qu’elle se rassemble. Elle se trouve disséminée dans un coin du village et les cuistots servent la popote.

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[1] Popote : Dans l’argot des combattants, désigne à la fois la cuisine roulante, et le fait de cuisiner. Par extension, la popote est la réunion des personnes qui mangent en commun.

5 octobre

La journée est calme. J’ai trouvé une veste assez potable. Comme je n’ai pas l’embarras du choix et qu’il fait froid je l’endosse. Elle me va d’ailleurs assez bien. Peu difficile je suis très satisfait.

Je n’ai plus de nouvelles de la maison. J’écris quand même chaque jour. Je réclame des colis. Nous sommes dénués de tout. On dit que les lettres arrivent mieux ouvertes. Les adresses sont « armées en campagne avec indication de la brigade, de la division et du corps ».

Nous sommes toujours démunis de tabac, mais nous avons espoir d’en toucher ce soir.

On parle d’une relève* proche. Ce n’est pas trop tôt. La voiture d’outils qui vient chaque soir nous amène de la paille. On est heureux.

Le temps se maintient beau. Le matin, toujours un fort brouillard. Puis c’est le soleil.

Beaucoup de monde se plaint d’être couvert de vermine. Ceci ajouté aux coliques, c’est le bouquet.

4 octobre

La 8e a été relevée [1] également. Nous l’avons près de nous et dans notre gourbi [2] son chef, le lieutenant Péquin que chacun préfère de beaucoup à celui de la 7e.

Je communique plusieurs fois des notes à mon commandant de compagnie. J’en profite chaque fois pour abattre quelques pommes en passant dans le verger.

Chaque matin d’ailleurs, au petit jour, nous allons chacun chercher le compte rendu de la nuit. Cela nous réchauffe les pieds.

La route est à présent et à tout instant arrosée de shrapnels*. Ce n’est pas agréable. Dans l’après-midi, je mets deux heures pour faire les 1500 mètres de retour car je tombe en plein bombardement et suis obligé de laisser passer les rafales et de m’abriter. La route est couverte de trous d’obus, ainsi que les champs avoisinants.

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Soldat allemand devant un trou d’obus – Argonne.

Dans la nuit, Crespel, le cycliste, revient en bicyclette avec une partie des vivres. Il roule dans un trou d’obus et s’endommage le nez. On rit souvent, malheureusement, du mal des autres. On rit beaucoup en effet ; surtout qu’il avait enfourché sa bicyclette, aux dires de Gauthier qui survient tranquillement à pied parce que des obus tombaient dans Saint-Thomas. On déplore seulement la perte d’un bouteillon de riz.

Le commandant fait toujours popote* avec nous. Il a un bon coup de dents.

La journée est calme. J’ai trouvé une veste assez potable. Comme je n’ai pas l’embarras du choix et qu’il fait froid, je l’endosse. Elle me va d’ailleurs assez bien. Peu difficile, je suis très satisfait.

Je n’ai plus de nouvelles de la maison. J’écris quand même chaque jour. Je réclame des colis. Nous sommes dénués de tout. On dit que les lettres arrivent mieux ouvertes. Les adresses sont « armées en campagne avec indication de la brigade, de la division et du corps ».

Nous sommes toujours démunis de tabac, mais nous avons espoir d’en toucher ce soir. On parle d’une relève proche. Ce n’est pas trop tôt. La voiture d’outils qui vient chaque soir nous amène de la paille. On est heureux.

Le temps se maintient beau. Le matin, toujours un fort brouillard. Puis c’est le soleil.

Beaucoup de monde se plaint d’être couvert de vermine. Ceci, ajouté aux coliques, c’est le bouquet.

 


[1] La relève : c’est le remplacement d’une unité par une autre dans les tranchées. Opération dangereuse car bruyante et conduisant au regroupement d’un grand nombre de combattants, elle se fait généralement de nuit. Sa périodicité n’est pas fixée strictement, mais une unité en première ligne est généralement relevée au bout de quatre à sept jours. La relève s’effectue par les boyaux.

[2] Gourbi : Dans l’argot des combattants, désigne un abri. Le terme s’applique peu en première ligne, il est utilisé surtout à partir de la seconde ligne jusqu’au cantonnement. (Renvois : Abri, Cagna, Guitoune)

2 octobre

Les jours se suivent et se ressemblent. On commence à désespérer d’être relevés [1].

Dans l’après-midi, profitant d’une communication au capitaine, je vais voir quelques amis dans le bois : la sectionen réserve, car il n’y a que trois sections en ligne.

Vers midi, ce sont toujours des obus jusque 2 heures. On connaît l’heure.

Les nuits sont toujours froides. On se réveille les pieds gelés. Les repas, à part celui que nous prenons à minuit et qui est en moitié chaud, sont toujours froids. De plus, l’abus de conserve fait que beaucoup se plaignent de diarrhée. J’en ai ma part.

 


[1] La relève : c’est le remplacement d’une unité par une autre dans les tranchées. Opération dangereuse car bruyante et conduisant au regroupement d’un grand nombre de combattants, elle se fait généralement de nuit. Sa périodicité n’est pas fixée strictement, mais une unité en première ligne est généralement relevée au bout de quatre à sept jours. La relève s’effectue par les boyaux.