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12 août

Le temps est pluvieux. Même situation que la veille.

Je porte en automobile le ravitaillement. Avec moi monte un gendarme. Nous circulons dans les alentours : Bazeilles [-sur-Othain], Othe, Velosnes.

Extrait de la carte d’état-major.

Jusqu’à la frontière belge, non loin de Torgny, où j’achète du tabac. KubLa gendarmerie réquisitionne les bouillons Kub [1] dans les épiceries ; on les dit empoisonnés ; et les jette à l’eau. Les alentours sont calmes. Pas de boches en vue. Nous rentrons à Marville par Saint-Jean. Il pleut à verse. Nous sommes trempés.

Souvent je mange avec M. et Mme Gaillot qui sont des plus aimables. Madame quitte pour Dun-Sur-Meuse ; son mari a peur d’une invasion.


[1] Bouillon Kub : il est inventé dans les années 1880. Au début il s’agissait d’extrait de viande. En 1908 Julius Maggi commença sa commercialisation de bouillon dans sa forme de cube, produit déshydraté.

04 août

Déclaration de guerre

Aujourd’hui mêmes travaux qu’hier. Tout le régiment continue la mise en état de défense des alentours du village. Devant nous, à 10 km, nous voyons le drapeau belge flotter sur un village. Le village est Torgny.
On dit qu’une quantité énorme d’artillerie [1] se trouve un peu derrière nous. On parle du 75 qu’on dit terrible.
canon75A la soupe, rassemblement de la compagnie sur l’emplacement du travail. Le capitaine, un peu ému, annonce que l’Allemagne nous a déclaré la guerre. Chacun fera son devoir et l’officier compte sur sa troupe.
On s’y attendait, on était convaincu que la guerre éclaterait ; pourtant chacun est un peu rêveur.
Dix minutes après, il n’y paraît plus, c’est l’enthousiasme le plus complet. On travaille d’arrache-pied. Le lieutenant Pougin de la Maisonneuve fait promettre à sa section* de ne pas le faire raser tant qu’on n’aura pas mis le pied en Allemagne et tant que l’Alsace-Lorraine n’aura pas été complétement libérée.
Le soir, je suis nommé caporal fourrier [2].


[1] Artillerie : ensemble des armes collectives ou lourdes servant à envoyer, à grande distance, sur l’ennemi ou sur ses positions et ses équipements, divers projectiles de gros calibre : obus, boulet, roquette, missile

[2] Fourrier : Officier ou sous-officier chargé de l’intendance : distribuer les vivres, pourvoir au logement des militaires.