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29 août

Nous avons quitté Sommauthe vers 4 heures du matin. C’est donc une vraie retraite ; nous n’avons pas pu arrêter l’ennemi sur la Meuse.

La compagnie comprend une centaine d’hommes. Comme officiers, le capitaine et le sous-lieutenant de réserve Lambert. Deux officiers et l’adjudant, trois chefs de section sont tués et la compagnie, de 250, voit son effectif réduit à 100 : c’est désolant.

À vive allure, nous dépassons des convois de gens qui fuient leur village. Cela fait peur à voir.Gallica-fuitePop

Nous traversons un village, Saint-Pierremont. On continue à allure moins vive. La prochaine pause, dit-on, grand’halte. Bientôt on s’arrête. Pas de feux, défense d’en faire !

Extrait de la carte d’état-major – Source : Géoportail

Nous mangeons une partie des conserves touchées hier à Sommauthe. Il fait beau soleil ; on dort. Réveil vers midi. Le sergent major nous rassemble sur le bord de la route pour faire la liste des tués, blessés ou disparus avec témoins.

Soudain, nous voyons poindre une troupe. On reconnaît des gens du régiment. Cri de joie ! Simon est là avec une cinquantaine de camarades que l’on croyait tués. N’ayant pas reçu l’ordre de repli, la section Simon était restée sur sa position jusqu’à la nuit. Tout le monde la félicite, le capitaine embrasse l’adjudant.

Nous partons à travers champs prendre position. Il est 13 heures. Nous recevons quelques shrapnels*.

Beaucoup se demandent ce qu’on fait. Quelques-uns disent qu’une armée boche marche sur Lechêsne. En somme, on ne sait rien.

Après s’être terrés pendant trois heures, nous rebroussons chemin. Il est 18 heures.

Nous nous arrêtons dans une ferme. On remplit ses bidons d’eau. La ferme est abandonnée. Quelques-uns attrapent une poule et la tuent. Ce sera pour plus tard comme en-cas.

Nous repartons par un petit sentier. Il fait nuit. Nous traversons un village abandonné, Authe. Nous sommes fourbus ; on désespère d’arriver. Quelques kilomètres encore ; nouveau village, Autruche. Des troupes y sont cantonnées ; des feux sont allumés. On les envie, mais il faut aller plus loin, c’est désespérant.

Extrait de la carte d’état-major – Source : Géoportail

Beaucoup se couchent dans un fossé. Une arrière-garde a été formée, commandée par un officier de la 6e compagnie, le sous-lieutenant Ventadour [1] ; les traînards doivent rejoindre à tout prix.

Il est minuit, nous arrivons dans un petit pays. On cantonne dans un pré le long d’une route. Je me couche le long d’un arbre et m’endors.

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[1] Sous-lieutenant Ventadour : pour plus d’informations : http://147ri.canalblog.com/archives/2008/12/23/11833835.html – Lire le commentaire ci-dessous.