Hazebrouck, le 11 novembre 2018,
10h00, aujourd’hui, dans le cadre des cérémonies de commémorations du centenaire de la Grande Guerre et de la marche de la paix qui est organisée, j’ai le privilège de lire publiquement cette lettre rédigée il y a cent ans, le 11 novembre 1918 par mon grand aïeul Émile Lobbedey, à sa mère et sa tante.
Lecture pendant laquelle je suis accompagné au violoncelle par mon ancienne élève Emma Cossart.
© Documents MALVACHE – Lettre qui fait partie de l’exposition qui se tient à l’espace Flandre d’Hazebrouck.
Bien chères Maman et Ma Tante.
Je vous souhaite la bienvenue à votre passage à Boulogne en pensant bien à vous en ce jour de votre départ de Moulins, juste au jour où l’armistice est signé.
Oui l’armistice est signé à 5 heures ce matin. La guerre dure jusque onze heures.
A partir de ce moment, les hostilités sont suspendues. Les conditions disent que momentanément nous restons sur nos positions ; mais dans trente [et] un jours il faudra que la rive gauche soi libre sur le Rhin. Nous avons quelques missions ce matin. C’est fini pour cet après-midi en attendant qu’on pousse de l’avant.
Voilà le grand cataclysme sur son déclin.
11 heures ½ du matin
La Guerre est terminée et nous sommes les vainqueurs. Quelle joie et quelle allégresse ici !
Naturellement les coups de téléphone se succèdent de l’armée. Pour l’instant, nous restons sur nos positions, mais il faudra se tenir prêt à partir ailleurs et nous irons nous installer en Allemagne. Pour le 12 décembre il faut que les troupes allemandes soient à 10 km de l’autre côté du Rhin. Vraiment c’est la déchéance de l’empire allemand.
Vous rentrez donc aujourd’hui. A l’heure où je vous écris, vous quittez Moulins. Ma pensée va vous suivre à Paris et à Boulogne.
J’espère que ce mot vous y attendra bien sagement et sera là pour vous souhaiter la bienvenue et vous dire mon affection.
Je suis rentré avec mon nouvel avion samedi seulement, car il a fait un gros temps durant plusieurs jours. Je vais donc voler pour mon plaisir avec mon nouveau cheval. J’ai mis 40 minutes pour franchir les 160 km de Paris à ici. C’est un bolide.
Rien de neuf en dehors de cette belle nouvelle de notre victoire. Je cesse mon épitre en chantant hourrah !
Hier je suis allé en automobile voir de nouveaux terrains d’aviation. J’ai poussé jusque Landrecies. J’y ai vu la famille Namur, notaire, père d’un de mes amis de Marcq. Tué ! Ce qu’ils ont souffert !
Je vous embrasse de tout cœur en vous souhaitant bonne route à Bergues et une lettre vous y attendra. Merci pour vos missives.
Votre oiseau qui vous aime
Souvenir à Marie et Clémentine et au Père.
Vous voudrez bien dire mon grand respect à Monsieur Guillemant et vous aurez un souvenir pour moi près de mon oncle, notre glorieux défunt, disait hier Monsieur Namur.