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26 février

Vers 7 heures, je me rends chez Pitche que je trouve affairé et heureux de me revoir. Aussitôt un bon café m’est servi. Soubyn* qui vient de se lever ne tarde pas à arriver. On cause de toutes les choses dites hier, on ajoute, on trouve quelque chose que l’on a oublié. C’est ainsi que je cause de l’autobus de la Droguerie rouge de Dunkerque aperçu près de Valmy. J’apprends que Gaston Barbez, directeur propriétaire du Journal de Bergues, est automobiliste conducteur de l’autobus Sevynguedamst [ ?] de Bergues.

Je quitte mes braves amis vers 8 heures, après avoir revu mes amis d’hier, Looten, Lefrancq, Bonduot. Je vois encore aujourd’hui Joseph Hernu, d’Estaires, brancardier également.

Mon ami Loubin m’accompagne un bout de chemin puis je continue et tombe sur la grand-route. Je tombe également, oh surprise ! sur Jean Plouvier de Steenwerck [1], un grand ami du régiment lors de mes classes de « bleu », élève caporal au 8e. Nous nous embrassons. Caporal infirmier au 8e, il descend des tranchées. Cinq minutes d’entretien et Au revoir ! Bonne chance ! Que ne peut-on se voir davantage !

Après la soupe, nous recevons une note : rassemblement par le colonel à 1 heure des officiers et sous-officiers des trois bataillons derrière les baraquements.

Nous nous rassemblons à l’heure dite. Le colonel, suivi du capitaine de Lannurien, arrive à cheval et nous cause des grands succès obtenus de ces côtés, du secteur que nous aurons bientôt, du 147e qui fera son devoir et de la volonté que nous devons avoir de vaincre l’ennemi. Nous sommes libres après une heure d’entretien.

J’écris à ma famille. J’ai tant de choses à dire sur mes multiples rencontres.

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Plan dessiné par Émile Lobbedey – Tome VIII

Extrait de la carte d’état-major – Source : Géoportail

Je me rends ensuite à l’ambulance de l’autre côté de la route. Sur la route, je vois un brancardier : c’est un de mes anciens professeurs, Monsieur Comines, de Bailleul. Surprise et joie nouvelle de se serrer la main.

Je demande le médecin-chef qui arrive, me reconnaît et me fait visiter son établissement. Il me montre des granges qui sont transformées en vrais palais. C’est une vraie clinique moderne, avec tout le confort désirable. Il me montre un brave garçon couché, à qui il a coupé l’avant-bras gauche. Puis, mais quelle surprise, je me crois dans le pays des fées ici, un malade me crie : « Bonsoir ! ». Je vois dans un lit Mallet, un de mes grands amis de la faculté de droit de Lille, Henry Mallet de Cambrai, blessé d’un éclat d’obus et soigné ici. Que de choses nous disons, de combien d’amis nous parlons ! Enfin je quitte Monsieur le major Vermullen en le remerciant vivement.

Je rentre fatigué aux baraquements, fatigué par les émotions. Après une rapide collation, je ne suis pas long à m’endormir.


 [1] Jean Plouvier de Steenwerck : Il s’agit probablement de Jean Léopold Pierre PLOUVIER (inscrit sur le monument aux morts de Steenwerck) dont la fiche Mémoire des Hommes ci-dessous semble correspondre.archives_I980826R