Archives de catégorie : Partie 4 – Chap. 4

12 mars

Au réveil, je cause longtemps avec Jamesse de la compagnie. Nous faisons les pièces ensemble. La compagnie comprend 110 hommes. Le commandant de compagnie : le lieutenant Richer, que j’ai connu à Sedan, officier d’administration. Il a demandé à la mobilisation d’être incorporé dans le service armé. Il a gagné son deuxième galon. Blessé dans l’Argonne dans le 147e, il vient de rentrer. Chef de la 1ère section : sous-lieutenant Caillou, de réserve, instituteur, déjà blessé au 147e en Argonne, venant d’arriver avec le renfort. Je prends le commandement de la 3e section et du 2e peloton. Les deux autres sections sont commandées par un sergent : le sergent Radelet, la 4e, le sergent Taveaux, la 2e.

Dans la matinée, je vais voir la 3e section. J’ai un sergent récemment nommé, Pignol, mon ancien agent de liaison, qui se trouve dans un gourbi avec Lasire, un de nos caporaux, exordonnance du sous-lieutenant d’Ornant, nouveau promu. Je passe le commandement de la 2e demi-section au caporal Dédisse arrivé en renfort.

Je parle aux hommes et les émoustille un peu. J’examine notre situation. Nous sommes au haut d’une crête, à 1200 m à droite du village de Mesnil. À 600 m devant nous se trouvent les premières lignes, dans une vaste plaine couverte de cadavres et de tranchées boyaux. À 1000 m se dresse une crête comme la nôtre, appelée cote 174 et occupée par l’ennemi. Nous sommes en réserve du 174e d’infanterie.

Quand j’ai vu tout cela, je vais me présenter au lieutenant Richer dont le gourbi est à 15 m du mien. Il me reçoit très bien. Je suis à 50 m de ma section.

Voici d’ailleurs le topo succinct de la position de la compagnie.

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Dernière page du Tome VIII des cahiers rédigés par Émile Lobbedey

Note

À partir du 13 mars, il n’existe qu’une sorte de « plan » écrit par Émile Lobbedey qui indique en quelques mots ce qui devait sans doute être l’objet de son développement.

 

11 mars

Je fais une excellente nuit. Le coin est calme et je me réveille sans le secours d’aucune marmite, ce qui est souvent l’habitude. Il fait jour et un rayon de soleil filtre à travers la toile de tente. Il est 8 heures. J’ai dormi douze heures sans interruption. Du moins, je me sens retapé.

Mes provisions s’épuisent. Je me rends donc près de la liaison du bataillon et vois Erhvein avec qui je cause service. Il a du travail avec les notes, états, etc… J’attends Gauthier qui arrive vers 10 heures et me remets ma part de boisson et de nourriture.

Je rentre alors à mon poste. Dans le boyau que je suis, un obus est tombé après mon passage, causant une large brèche. Il faut se baisser pour passer. Je tombe dans la 7e, puis dans la 8e compagnie, puis voici mon abri.

Je mange puis me rends faire acte de présence près du PC du colonel. C’est bizarre, je ne joue aucun rôle. Décidément, qu’est-ce que je fais ici ? Après une heure en plein air, tandis que quelques obus s’égarent de ce côté, je juge prudent de me mettre à l’abri et rentre chez moi où j’ai tout loisir de songer sérieusement à ma situation.

Voici : je fus nommé adjudant à la 5e compagnie. C’est l’affectation officielle. Oralement, par une combinaison vaille que vaille, et au fait sans valeur, je fus attaché à la liaison du bataillon. Me voici maintenant, par un imbroglio, attaché au colonel, sans rôle sérieux, rabaissé au niveau d’agent de liaison dont on ne se sert pas, puisque personne ne s’occupait de moi. Je ne joue ici aucun rôle, je n’en joue pas non plus à la liaison du bataillon. Par contre, je suis toujours nommé à la 5e compagnie, je n’ai pas été remplacé. Là-bas, les chefs de section manquent. Ici, j’ai l’air de m’imposer, jusqu’au jour où on pourra s’étonner que je n’aie pas rejoint mon poste. Au fond, ma place est à la compagnie. J’y vais.

Et c’est ainsi que vers 4 heures, j’arrivais près de Jamesse qui, installé dans un gourbi, faisait le sergent major. Je m’installe près de lui, nous causons, je lui explique ma situation, il est entièrement de mon avis. Nous mangeons. Je décide d’attendre jusqu’à demain. Si on ne m’a pas réclamé, je prends possession de mes fonctions d’adjudant de compagnie.

Nous nous étendons côte à côte, contents mutuellement d’être l’un près de l’autre. Une forte amitié s’établit entre nous ; nous sommes veufs de nos camarades, héritiers d’un passé d’amitié et des souvenirs de ceux qui ne sont plus, seuls survivants de notre chère bande de Charmontois.

10 mars – Chapitre IV

Chapitre IV
Mesnil-les-Hurlus 2e ligne


En 2e ligne

Je dors du sommeil du juste et ce n’est que vers midi que je consens à me réveiller. Ma montre marque midi et mes deux compagnons sont absents. Mon trou est modeste, ce n’est qu’une vulgaire grotte sous le parapet, peut-être un peu plus profonde que les autres.

Je sors aussitôt et vais inspecter mes alentours. Je trouve le poste du colonel et vois le capitaine Claire qui me demande où je suis installé. Je le renseigne : à 25 m d’ici. Mes agents de liaison sont avec les cyclistes du colonel et Mascart. Cela fait trois agents pour le bataillon et moi. C’est suffisant.

Je rentre à mon gourbi pour casser la croûte. Je vais voir ensuite le poste du commandant Triol. Après quelques tâtonnements, je le trouve à 300 m d’ici. Je vois Erhvein qui se plaint amèrement de la nuit passée par le commandant dans un boyau. Ne trouvant aucun abri, le commandant, philosophe, s’était étendu dans la première grotte trouvée en attendant le petit jour. Je vois la liaison occupée à consolider des morceaux d’abris ainsi que celui choisi par le commandant qui se trouve à la 5e pour le repas. Erhvein me dit que nous sommes en seconde ligne et que la première est à 600 m, occupée par le 174e d’infanterie. Il a eu ses tuyaux du commandant.

Je rentre à mon poste et passe l’après-midi avec Pêcheur, le sergent secrétaire, l’adjudant promu [?] et quelques sapeurs.

Le soir venu, je réintègre mon abri et n’ayant aucun service à assurer, en profite pour dormir.

Le temps est assez beau. Quant aux obus, ils sont d’un rare…

Décidément Mesnil-les-Hurlus a encore de bons coins.

10 mars

Chapitre IV

Mesnil-les-Hurlus 2e ligne


En 2e ligne.

Je dors de sommeil du juste et ce n’est que vers midi que je consens à me réveiller. Ma montre marque midi et mes deux compagnons sont absents. Mon trou est modeste, ce n’est qu’une vulgaire grotte sous le parapet peut-être un peu plus profonde que les autres.

1389297851Je sors aussitôt et vais inspecter mes alentours. Je trouve le poste du colonel et vois le capitaine Claire qui me demande où je suis installé. Je le renseigne ; à 25 m d’ici. Mes agents de liaison sont avec les cyclistes du colonel et Mascart. Cela fait trois agents pour le bataillon et moi. C’est suffisant.

Je rentre à mon gourbi pour casser la croûte. Je vais voir ensuite le poste du commandant Triol. Après quelques tâtonnements, je le trouve à 300 m d’ici. Je vois qui se plaint amèrement de la nuit passée par le commandant dans un boyau. Ne trouvant aucun abri, le commandant philosophe s’était étendu dans la première grotte trouvée en attendant le petit jour. Je vois la liaison occupée à consolider des morceaux d’abris ainsi que celui choisi par le commandant qui se trouve à la 5e pour le repas. Erhvein me dit que nous sommes en seconde ligne est que la première est à 600 m, occupé par le 174e d’infanterie. Il a eu ses tuyaux du commandant.

Je rentre à mon poste et pas l’après-midi avec Pêcheur, le sergent secrétaire, l’adjudant promu [ ?] et quelques sapeurs.

Le soir venu je réintègre mon abri et n’ayant aucun service à assurer en profite pour dormir.

Le temps est assez beau. Quant aux obus, ils sont d’un rare…

Décidément Mesnil-les-Hurlus a encore de bons coins.