Archives par étiquette : Triol

24 mars

Note
À partir du 13 mars, il n’existe qu’une sorte de « plan » écrit par Émile Lobbedey qui indique en quelques mots ce qui devait sans doute être l’objet de son développement.
Voici ces notes.

Nomination adjudant adjoint à Triol – arrivée renfort – Accary Fabre [1], etc…


[1] Fabre : Plus d’informations sur le Blog du 147e RI : http://147ri.canalblog.com/archives/2015/12/03/32996941.html

 

21 mars

Note
À partir du 13 mars, il n’existe qu’une sorte de « plan » écrit par Émile Lobbedey qui indique en quelques mots ce qui devait sans doute être l’objet de son développement.
Voici ces notes.

Départ des abris de Somme-Tourbe – attente auto bus – laïus Triol – adjudant 5e salie [?]

20 mars

Note
À partir du 13 mars, il n’existe qu’une sorte de « plan » écrit par Émile Lobbedey qui indique en quelques mots ce qui devait sans doute être l’objet de son développement.
Voici ces notes.

Lettre Charles Odile du 14 – drôle d’effet – relève ce soir – En auto au loin

Triol – St Jean-sur-Tourbe – Boue à Laval – attente – Vasson sur route – arrivée aux abris matin 4 heures

10 mars – Chapitre IV

Chapitre IV
Mesnil-les-Hurlus 2e ligne


En 2e ligne

Je dors du sommeil du juste et ce n’est que vers midi que je consens à me réveiller. Ma montre marque midi et mes deux compagnons sont absents. Mon trou est modeste, ce n’est qu’une vulgaire grotte sous le parapet, peut-être un peu plus profonde que les autres.

Je sors aussitôt et vais inspecter mes alentours. Je trouve le poste du colonel et vois le capitaine Claire qui me demande où je suis installé. Je le renseigne : à 25 m d’ici. Mes agents de liaison sont avec les cyclistes du colonel et Mascart. Cela fait trois agents pour le bataillon et moi. C’est suffisant.

Je rentre à mon gourbi pour casser la croûte. Je vais voir ensuite le poste du commandant Triol. Après quelques tâtonnements, je le trouve à 300 m d’ici. Je vois Erhvein qui se plaint amèrement de la nuit passée par le commandant dans un boyau. Ne trouvant aucun abri, le commandant, philosophe, s’était étendu dans la première grotte trouvée en attendant le petit jour. Je vois la liaison occupée à consolider des morceaux d’abris ainsi que celui choisi par le commandant qui se trouve à la 5e pour le repas. Erhvein me dit que nous sommes en seconde ligne et que la première est à 600 m, occupée par le 174e d’infanterie. Il a eu ses tuyaux du commandant.

Je rentre à mon poste et passe l’après-midi avec Pêcheur, le sergent secrétaire, l’adjudant promu [?] et quelques sapeurs.

Le soir venu, je réintègre mon abri et n’ayant aucun service à assurer, en profite pour dormir.

Le temps est assez beau. Quant aux obus, ils sont d’un rare…

Décidément Mesnil-les-Hurlus a encore de bons coins.

9 mars

Relève aux tranchées de 2e ligne
Lieutenant-colonel Pichat commandant du 147e

Vers une heure du matin je suis réveillé par Mascart qui m’apporte toutes les nominations. Il m’annonce que je suis adjudant à la 5e et non au bataillon. Un renfort est arrivé hier à 9 heures. Les nominations ont été rectifiées. Un adjudant du renfort Erhvein est nommé à ma place et je passe à la 5e compagnie.

À la lueur d’une bougie nous nous levons et nous mettons à copier l’état des nominations et des mutations. Je ne puis en croire mes yeux. Des surprises me sont encore réservées : Jamesse est nommé sergent fourrier et non sergent major ; Jacquinot caporal fourrier à la 5e ; Delbarre caporal fourrier à la 10e.

D’autres notes disent que le lieutenant Richer commande la 5e compagnie le sous-lieutenant Caillou passe également à la compagnie.

Aussitôt sur la copier les fourriers partent porter toutes ses copies à leur compagnie tandis que je réveille le commandant Triol à qui je rends compte. Je suis furieux, car je trouve la chose injuste. Le commandant me dit qu’il me garde jusqu’à nouvel ordre et en causera au capitaine adjoint, Claire.

Je me rendors affreusement triste.

Vers 4 heures j’étais en plein sommeil de nouveau je suis de nouveau réveillé par une nouvelle note. Cela me rend furieux tout à fait puis presqu’atterré. Je lis :

Rassemblement du régiment aujourd’hui à 8h30. Départ pour la première ligne à 9 heures.

Cela est plus qu’une douche glacée. Je vais trouver le commandant qui dicte ses ordres. Rassemblement du bataillon à 8h15 les compagnies devant leur cantonnement. Formation en colonne double à 8h30 devant et à 100 m du cantonnement du bataillon.

Nous copions de nouveau afin de communiquer les ordres. Décidément ce n’est pas du repos.

Je me recouche quand même une heure.

Mais à 6 heures il faudra être debout, car il y a encore la répartition du renfort à faire. Quel métier !

À 6 heures je suis debout, boucle mon fourniment et me mets en tenue de départ après avoir enlevé mes galons de fourrier. Je sors ; le commandant et dehors. Je bois le café de Gauthier.

Le capitaine Claire ne tarde pas à se montrer. Devant le cantonnement une masse de 250 hommes attend d’être répartie. Le capitaine vient à nous ; le commandant lui dit son étonnement de mon affectation. Claire déclare qu’Erhvein [ Ervein ?] est rhumatisant, malade et ne pourrait remplir les fonctions d’adjudant de compagnie. Par contre je n’ai moi qu’à rester à la disposition du commandant Triol.

Claire fait appel de la camaraderie au sujet d’Erhvein. Enfin il bredouille assez ennuyé. Le commandant me dit donc de rester avec lui. Je vois pourtant que bientôt je serais un intrus ou du moins que je ferai le travail de l’adjudant de bataillon sans en avoir le nom. De toute façon je suis très peu satisfait malgré mon nouveau galon. Il y a eu un passe-droit ni plus ni moins.

Delbarre arrive peu après vers moi en larmoyant parce qu’il doit quitter la 5e. Je l’envoi promener, j’ai autre chose à faire et moi-même je suis furieux.

Puis le lieutenant Collandre vient me serrer la main. Il est en furie et me déclare qu’il va à l’instant se faire évacuer pour rhumatisme. Il n’accepte pas qu’on lui enlève le commandement de la 5e et qu’on le mette sous les ordres d’un plus jeune.

Enfin le temps passe ; vers 8 heures au milieu d’une forte pagaille présidée par le capitaine Claire la répartition du renfort se fait. Je vois l’ex sergent major du trésorier, Levêque aujourd’hui adjudant, qui malgré tous ses efforts n’a pu rester à Saint-Nazaire et vient pour la première fois au feu. Je vois également l’adjudant Faure qui se trouve dans le même cas.

Je fais connaissance avec l’adjudant Erhvein qui arrive. C’est un Sedanais, ex sergent de réserve à la 6e compagnie, celle du capitaine Claire, nommé adjudant par lui et évacué pour rhumatismes en novembre.

Ce n’est pas étonnant ce n’est pas étonnant qu’il me soit passé sur le dos. Enfin on fera bon ménage quand même.

À 9 heures nous partons liaison en tête avec le commandant Triol. Nous traversons la voie ferrée au passage à niveau et arrivons sur la route Somme-Tourbe Somme-Suippes. Nous la traversons également et filons à travers champs, les trois bataillons en colonne.

Sur la route le lieutenant Collandre m’a dit au revoir. Il est évacué.

Nous faisons une pause non loin de batteries d’artillerie lourde dissimulées dans un bois de sapin. Il y a réunion d’officiers. Je vois un nouveau lieutenant-colonel arrivé ce matin, me dit Erhvein, le lieutenant-colonel Pichat qui rentre de blessure prise à la Marne, officier de la Légion d’honneur.

Nous filons par monts et par vaux par petits paquets dans la direction des abris Guérin. Nous passons rapidement des crêtes, allant de bois de sapin en bois de sapin sont nombreux par ici. Les compagnies marchent par section à 250 m.

Il peut être 2 heures quand nous sommes en vue des abris Guérin que nous gagnions au pas de course à la sortie d’un bois. C’est ensuite un grand ravin. Nous sommes à l’abri des vues de l’ennemi désormais. Nous ne recevons pas d’obus sinon deux ou trois shrapnels qui arrivent là par hasard.

Le régiment arrive par petits paquets et s’installent dans les abris Guérin. Il est 2 heures de l’après-midi. Le commandant Triol m’envoie me mettre à la disposition du lieutenant-colonel Pichat.

J’arrive à son abri et me présente. Je suis bientôt chargé d’une mission. Je dois me rendre par les boyaux à Mesnil-les-Hurlus. De là prendre tel boyau, me faire indiquer telle tranchée et demander le général qui commande le secteur. Je dois lui annoncer que le 147e est arrivé aux abris Guérin à sa disposition et me mettre moi-même à la disposition du chef de secteur.

Je pars donc. Ma mission est difficile mais je veux m’en bien n’acquitter. J’arrive sans encombre à Mesnil-les-Hurlus que pour la première fois je vois en plein jour.

Je vois un capitaine à qui je demande des renseignements qu’il me donne très aimablement. J’arrive ainsi à peu près à mon endroit m’informant à chaque carrefour aux cuisiniers qui descendent. Heureusement que le boyau n’est pas marmité.

Un contretemps fâcheux se produit. Le sous-lieutenant de passage me dit de reprendre le boyau vers Mesnil et de filer vite car le général vient de partir par là il y a à peine 5 minutes.

Je file comme un zèbre est non loin de Mesnil, rencontre le capitaine qui m’a renseigné tout à l’heure et me dit que c’est le général commandant le 16e corps qui vient de passer, de retour d’une visite qu’il vient de faire au secteur.

Force m’est donc tout en pestant de reprendre ma route. Enfin suant et soufflant j’arrive à mon but. Je vois le général lui-même des plus bienveillants. C’est un ancien colonel du 8e d’infanterie que je connais. Je lui donne mon nom et nous parlons de l’évêque d’Arras, mon oncle que le général qualifie de « grand patriote ». Je puis rentrer au 147, car le poste est relié téléphoniquement à un poste non loin des abris Guérin.

Je rentre donc un peu doucement, car je sue sang et eau. Trois heures après, vers 5 heures, je rends compte de ma mission au colonel. Ce n’est pas sans mal que je ne me suis pas égaré. Je suis sain et sauf et les marmites se sont faites rares.

Je m’installe près du poste du chef du régiment avec quelques sapeurs dans un petit abri et me repose de ma randonnée. Je n’ai plus de havresac et j’en suis heureux ; j’ai lâché aussi le fusil pour le revolver de Gallois et ses jumelles que j’ai héritées. J’ai mes couvertures et ma toile de tente roulées en bandoulière.

Vers 7 heures nous quittons les abris Guérin. Les bataillons partent individuellement à leur poste assigné. Je fais partie de la liaison du colonel que je suis avec le capitaine Claire. Nous nous arrêtons à 800 m de là dans un grand boqueteau où se trouvent à quelques abris. Un poste téléphonique est installé. Le colonel rentre et je vois les capitaines d’état-major de notre brigade, Brunet et Garde. Après un quart d’heure de conversation, le colonel sort et nous filons rapidement par un petit clair de lune en longeant le boyau vers Mesnil-les-Hurlus. Les boches n’envoient aucunes marmites. Non loin devant nous le feu d’artifice des fusées marche bon train.

Dans le village, je suis laissé par le capitaine Claire pour attendre le 2e bataillon qui va arriver afin de l’amener à son emplacement qui n’est autre que le poste du général de brigade reconnue par moi cet après-midi, où le commandant Triol recevra ses instructions.

Heureusement pour moi d’agents de liaison ne tarde pas à arriver dans Mesnil-les-Hurlus. J’en prends aussitôt la main.

Survient le 3e bataillon en tête. Le commandant Vasson me voit. Je lui donne un agent de liaison. Il me charge de vouloir bien faire la police afin que les hommes suivent en file rapprochées et ne prennent pas une fausse direction. Je passe donc une demi-heure à cela. Le bataillon est enfin passé. Il peut être 9 heures. Quelques marmites éclatent assez près. Je suis trop préoccupé pour m’en occuper.

Voici le commandant Triol. Je vais au-devant de lui, prends avec moi un agent de liaison disant aux autres de prendre le premier bataillon après le passage du 2e. Nous marchons en tête du bataillon et nous engageons dans le boyau à 100 m de l’église.

Après bien des stationnements dus au 3e bataillon qui n’avance pas, un empêtrement inouï dans les boyaux, ce qui nous demande bien 2 heures de marche et nous procure quelques bons bains de boue, on arrive enfin. Le commandant Triol va prendre ses instructions tandis que je m’éclipse avec deux hommes de la 5e que je prends comme agents de liaison du colonel au commandant.

Mon rôle est terminé ; je dois rejoindre le poste du colonel. Où est-il ? Grave question que je ne résous qu’à 3 heures du matin.

Je n’insiste pas sur mes marches et contremarches. J’assiste au défilé des troupes relevées durant près d’une heure avec l’espoir que l’homme qui passe est toujours le dernier.

Enfin je tombe presque au petit jour dans la 7e compagnie. C’est là qu’on m’apprend que le colonel est installé non loin dans un petit bois, toujours du genre des manches à balais du Trapèze. Je rencontre également la 8e compagnie et vois l’adjudant Vannier me renseigne sur un gourbi vide non loin.

Je m’installe là avec mes agents de liaison qui bouchent l’entrée d’une toile de tente. Je ne m’occupe plus de rien, incapable et ne songeant qu’à dormir.

Quelle chance que l’artillerie ennemie ait été calme. Sinon je n’aurais pas répondu de la casse.

8 mars

Capitaine Triol promu commandant – Je suis promu adjudant

Roulé dans mes couvertures, la tête sur mon sac, je dors comme une marmotte quand vers 4 heures je suis réveillé par Mascart qui est toujours à la liaison du colonel. À la lueur d’une bougie je lis la note qu’on m’apporte :

« Départ du régiment à 9 heures. Le régiment se rassemblera, les bataillons devant leur cantonnement à 8h45. Il change de cantonnement pour se placer au-delà de la voie ferrée. Le capitaine Delahaye et le campement des trois bataillons partira à 7 heures. »

Je file chez le capitaine Triol que je réveille. Tout est à communiquer. Ordres de compagnies 5, 6, 7, 8. Campement avec le sergent fourrier Jombart rassemblé à la sortie du cantonnement à 6h45.

Je reste avec le capitaine et la liaison. Celle-ci copie la note et se rend près de chacun de ses commandants de compagnie.

Moi je repique un somme interrompu.

À 6h30 nous buvons le café tandis que Jombart, Verleene et Sauvage s’équipent. Jamesse me remplacera pour le cantonnement de la compagnie. Ils s’en vont suivis de Gauthier.

Je trouve pourtant tout ceci exagéré. Nous n’avons décidément pas le temps de nous nettoyer.

À 8h45 je vais trouver notre commandant du bataillon tandis que le bataillon se rassemble. À 9 heures nous partons suivant le 1e bataillon. Nous sommes bientôt sur la route. Il fait beau soleil. Nous ne tardons pas à atteindre Somme-Tourbe que nous traversons et dont on peut admirer les ruines.

Nous tournons à droite. Je vois le sous-lieutenant trésorier Simon à qui je dis bonjour. Nous prenons la route de Suippes. Le passage y est tellement fréquenté que nous longeons la route à travers champs. Enfin arrivés non loin d’un parc d’aviation, nous traversons la route puis la voie ferrée et nous arrêtons en tournant à droite dans un vaste terrain inculte. On fait la pause en attendant de se loger dans les abris que nous apercevons à 600 m.

Bientôt arrive Jombart suivi des fourriers. Il vient rendre compte au capitaine Triol. Ce ne sont pas des baraquements. Ce sont des abris, assez confortables. Le cantonnement par contre et d’une malpropreté repoussante.

Les compagnies partent tandis que je suis mon chef avec la liaison. On s’installe. Aussitôt je fais communiquer une note disant qu’il faut procéder d’urgence aux travaux de propreté du cantonnement et des hommes, porter tous les détritus à un endroit fixé, y mettre le feu et creuser des feuillées à 200 m des abris, les cuisines à 100 m, en arrière. Pour l’eau, il faut en chercher au passage à niveau où il y a un puits.

Le capitaine Triol prend un abri. J’en prends un grand à côté pour la liaison. Gauthier a mis la main sur un autre où il pourra faire sa cuisine en toute sécurité.

J’obtiens de lui de l’eau. Je me débarbouille aussitôt pendant que Frappé qui s’occupe un peu de moi va à la voiture de compagnie située devant le cantonnement afin d’y prendre mes affaires dans le coffre. Une heure après je puis me montrer. Je suis propre les souliers même cirés par Frappé qui a du cirage. Je suis transformé complètement et la fatigue a presque disparue.

Notre gourbi est potable. Nous le nettoyons un peu. La liaison se rapproprie comme moi. Nous avons une table, nos sacs nous servent de bancs. Il y a même de la paille quasi fraîche. Nous sommes heureux.

Il peut être midi et demi.

Les voitures de compagnie arrivées en même temps que nous se trouvent devant le cantonnement de chaque compagnie. Je vais voir Jamesse. Il est dans un gourbi avec Delbarre et déjà s’acquitte de sa comptabilité. Je discute avec lui. Il sera sergent major, Delbarre sergent fourrier, Jacquinot caporal fourrier et Lasue caporal d’ordinaire. Je lui conseille de faire cet état de proposition que sûrement le lieutenant Collandre signera. Je lui dis que je suis à sa disposition pour tous renseignements.

Je rentre bataillon ou d’avalanche de notes nous tombent. État des pertes, état de propositions, nettoyage etc… Je fais tout communiqué aux compagnies et communique le tout au capitaine Triol que je félicite et à qui je présente sa nomination de commandes. À son tour il me dit combien il m’apprécie et me propose brillamment pour le grade d’adjudant de bataillon.

Je rentre tout heureux et annonce la nouvelle à la liaison qui me félicite. Je crois que c’est une première vraie joie depuis le début de la campagne.

L’après-midi se passe. On installe le téléphone dans le gourbi du commandant Triol. Je ramasse successivement toutes les pièces et en ai aussi jusqu’au soir.

Je vais saluer le lieutenant Collandre qui est occupé à tripoter dans ses cantines. Il me parle de mon nouveau galon et est tout heureux d’apprendre la bonne nouvelle.

Nous mangeons vers 4 heures. Puis Gauthier part aux distributions à Somme-Tourbe.

Je vais à plusieurs reprises voir le commandant avec les états des compagnies et j’envoie leurs états de propositions avec le mien. J’écris rapidement une carte aux miens pour leur annoncer la bonne nouvelle.

Il peut être 8 heures quand je suis appelé au téléphone. C’est Pêcheur, mon ami, sergent secrétaire qui ne salue d’un retentissant « Bonsoir, mon adjudant ! » Et m’annonce en riant que je suis « juteux de bataillon ». Je me retourne et remercie le commandant qui sourit et se dit aussi heureux que moi.

Et je me couche avec mon entourage qui me félicite. Ah comme je suis heureux et comme je dors de bon cœur.

 

7 mars

Repos aux abris Somme-Tourbe (Voir topo Tome I)
Capitaine Triol du 139e commandant du 2e bataillon

Je me réveille vers 7 heures du matin. Gauthier est là avec le café. Je ne puis m’empêcher de le féliciter.

Je sors après avoir remis avec bien du mal mes chaussures. Naturellement je ne vois aucun planton de la liaison sur la route. Je rentre alors en tonitruant. La lacune est comblée bientôt, mais le régiment est-il passé oui ou non ? J’attends espérant que non.

Je n’ai aucun goût à me nettoyer. Je suis si sale. Je vois le capitaine Delahaye qui fume une cigarette en tenue sommaire. Lui aussi est sale et cela me console un peu. Voici Crespel et caillez qui rentrent. Je leur demande s’ils ont vu le régiment. Ils me répondent négativement.

Voici vers 9 heures un chariot sur lequel j’aperçois le lieutenant Lebeau et quelques sapeurs ainsi que le caporal fourrier Bourgerie. On me dit que le premier bataillon suit.

Déjà des feux sont allumés et les cuistots d’escouade font bonne besogne avec les restes car hier il n’y eut pas de distributions.

Je vois ceux de la 5e, Lavoine, Licour, Chandelier. On m’offre du café que j’accepte de grand cœur.

Je vais saluer le lieutenant Collandre commandant la 5e. Il vient de se lever et me félicite « alors » dit-il « vous me quitter, car vous passerez adjudant de bataillon ». Je vois Jombart qui vient à la liaison ; il fait le sergent major, le fourrier et le caporal fourrier à la 8e. Je ne fais semblant de rien et suis aimable avec lui.

Enfin vers 10 heures, par le temps sombre qu’il fait et donne une certaine mélancolie aux lieux, je vois arriver des fantômes boueux, vrais paquets de qui se traînent. C’est le régiment. Dans quel état lamentable !

J’avertis aussitôt le capitaine Delahaye qui va causer au commandant du 1e bataillon. Des baraquements sont libres derrière nous. Ils font être vite occupés.

Je vois ensuite le commandant Vasson à cheval. Il fait de grands gestes en causant avec le chef du 2e bataillon. Je n’y entends rien et ne m’en préoccupe pas.

Je rentre me décrotter plutôt que d’assister au défilé lamentable des rescapés de Mesnil.

On mange peu de chose. Gauthier n’a rien. J’ai un morceau de pain de l’ordonnance et ouvre une boîte de pâté.

Vers 1 heure alors que j’étais absorbé par mon décrottage sans avoir pu encore me débarbouiller je suis appelé par le capitaine Delahaye qui me dit de rassembler les 4 fourriers et de le suivre dans 10 minutes.

Nous partons à cinq sur la route vers Somme-Tourbe puis un peu plus loin à 500 m prenons à travers champs sur la gauche. Nous descendons un ravin, traversons un petit ruisseau sur un pont de bois et montons une petite cote au haut de laquelle on aperçoit trois rangées de baraquements dont une partie encore en construction.

Ces baraquements seront notre cantonnement. J’hérite d’une lignée. Nous entrons et constatons avec plaisir qu’ils sont plus finis que les autres et mieux aménagés. Je divise en six : les quatre compagnies le poste de secours et la liaison du bataillon.

Une heure après chaque fourrier allait chercher sa compagnie pour l’installer.

Moi-même, avec Gauthier qui m’avait suivi, j’installais mon coin. Dégourdi Gauthier trouve quelques planches les place sur le sol. Le lit est tout trouvé. Le sac à la tête, les couvertures étendues, le fusil dans le coin avec le bidon et la musette accrochés. Je suis placé. Il peut-être 3 heures.

Mais quel brouhaha dehors ! C’est celui de l’arrivée de toute troupe qui s’installe. La liaison ne tarde pas à arriver. Je vois Cailliez, Crespel cyclistes, Frappé, Brillant, Garnier, agents de liaison des 7, 5, 8e, puis Jombart, Sauvage, Verleene fourriers de 8, 7, 6e ; avec Gauthier, c’est tout cela me fait neuf unités. C’est bien suffisant et je n’en demande pas plus. Je sors pour voir l’installation car j’ai déjà mon métier d’adjudant de bataillon à cœur. J’apprends que le capitaine Delahaye reprend la 3e compagnie et passe le commandement du bataillon au capitaine Triol du 139e nouveau venu. Aussitôt je vais dire au revoir au capitaine Delahaye. Je le trouve dans un baraquement réservé aux officiers et où pas mal de ceux-ci sont occupés à causer. Il me dit au revoir et me présente au capitaine Triol qui me reçoit aimablement et à qui je demande ses instructions pour le cantonnement. Il me dit de faire pour le mieux, selon l’habitude. Je rentre donc près de ma liaison et dicte quelques notes sur les cuisines, les feuillées* etc…

Je suis fatigué et m’étends tandis que Gauthier part aux distributions sur la route de Somme-Tourbe et qu’on annonce à grands coups de gosier dans tout le cantonnement.

Vers 6 heures je me présente au capitaine lui demandant ses instructions pour la nuit. Il est à table avec les officiers du bataillon dans le bâtiment de tantôt. Celui-ci est séparé en deux pièces. Dans la première il y a une vingtaine de couchettes et un foyer qui brûle ; dans la 2e quelque table et quelques bancs où les officiers sont occupés à prendre leur repas. Le commandant du bataillon me demande de garder la liaison sous ma main. Je lui dis que c’est fait. Je mérite de ce fait un très bien et puis disposer.

Je rentre près de la liaison heureux à la pensée de passer une nuit tranquille. Nous sommes près du poste de secours et héritons de la chaleur du foyer qui y est allumé. Nous aussi nous allumons le nôtre, trou creusé par le génie sous les planches qui ne peuvent prendre feu grâce à de la tôle dont elles sont recouvertes, avec tirage à l’extérieur. Chacun va barboter du bois. Gauthier revient des distributions avec Cailliez et Crespel ainsi que René qui en arrivant aussitôt à donner un coup de main au passage. Aussitôt flambe un bon feu. Il faut manger. On décide de faire des biftecks à fin de se coucher rapidement.

Il y a une porte en bois. Nous la posons à l’intérieur contre l’entrée. Il fait chaud aussitôt. Chacun a pu se procurer une planche qui le séparera de la terre humide. Nous sommes presque heureux tandis que nous avalons la viande à peine cuite arrosé d’un quart de « pinard ». Le café suit et bonne nuit !

Il est déjà 10 heures.