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24 janvier

Au petit jour Lannoy se rend chez le capitaine lui disant qu’aucun ordre ne fut donné par le commandant du régiment. Ce dimanche, jours de repos. Contre ordre est donné immédiatement. Et nous annonçons joyeusement la bonne nouvelle au chocolat.

Nous décidons de passer la journée joyeusement. Nous faisons un brin de toilette et disons aux cuisiniers d’agrémenter notre menu en allant à l’épicerie.

À 8h30 nous assistons à la mort du pauvre veau qui beugle. Massy le tue dans la pâture près de la maison Adam. Il est à son affaire et nous débitera pour la popote quelques côtelettes, et des bonnes, pour ce soir.

Vers 9h30, nous partons en bande vers l’église afin d’assister à la messe de 10 heures. Un monde fou, le général de division en tête, se presse dans l’église trop étroite. L’église est assez spacieuse et sert pour les deux villages qui ne forment qu’une paroisse. L’aumônier de la division chante la messe. Le brave curé du pays, après l’Évangile, nous fait un petit sermon en trois points : sans doute est-il un peu ému par cette assemblée à laquelle il est si peu habitué. Les mots sortent difficilement. Mauvais comme nous sommes, nous avons un malin plaisir à l’entendre. Enfin le Credo est poussé : le brave curé doit être heureux d’être descendu de chaire.

La messe est terminée. Nous sortons et serrons la main de Pierre, Paul et Jacques. J’avais idée d’aller voir la liaison du bataillon : Gallois ne le mérite pas encore. Je continue donc ma route avec mes amis. Nous allons prendre l’apéritif chez La Plotte. Il est 11 heures. Nous mangeons aujourd’hui à midi.

Nous sommes introduits dans les cuisines La Plotte et prenons quelques apéritifs heureux de jouir d’un repos bien gagné. Les gendarmes trinquent avec nous. C’est une joie générale.

Nous nous mettons à table comme toujours en famille. On parle de tout. Les cuisiniers font merveille. Surprise au dessert : nous voyons notre ami Jamesse qu’on croyait disparu. Madame Jamesse est arrivé hier de Givry-en-Argonne en voiture. Elle venait de Paris et a réussi à embrasser son fils après bien des difficultés.

Notre ami fut dégourdi. Il alla trouver le maire de Charmontois qui après qu’il eut raconté son odyssée et l’arrivée probable de sa mère lui offrit de la loger et de lui faire partager sa table. C’était aimable et gentilhomme. Aussi Madame Jamesse se trouve-t-elle pour quelques jours Charmontoise et heureuse de voir son enfant.

Aussitôt le dessert avalé, le camarade s’en va et nous invitons sa mère pour demain soir. Accepté !

Nous restons longtemps à table. Nous allons faire ensuite un tour de promenade dans le village et nous dirigeons vers le cantonnement* de l’adjudant Culine. Nous nous attablons bientôt dans la maison où il est chez lui et attaquons une bonne partie de cartes.

Ceux qui ne jouent pas écrivent chez eux les bonnes nouvelles. Les autres parlent avec le fermier et son jeune fils.

L’après-midi se passe bien tranquille. Vers 3h30 nous nous rendons à la demeure du général de division où notre musique donne une audition. Je vois entre autres : le colonel Blondin et ses deux capitaines d’état-major : Brunet et Garde.

Il est 5 heures. Nous quittons la musique et filons voir nos amis les gendarmes. Ceux-ci voyant qui nous sommes nous donnent aussitôt accès dans la cuisine bien chaude qui revêt tout à fait l’aspect familial.

À 7 heures, heure réglementaire nous sommes à table et la bonne camaraderie ne cesse de régner. Nous apprécions les côtelettes de veau à leur juste valeur. Massy d’ailleurs, pour le remercier (sic) assiste au repas. Il nous réserve encore pas mal de parts d’ailleurs.

Notre petite vie nous plaît. Nous sommes déjà bien reposés. Mon rhume bien soigné s’en va comme il est venu.

Au milieu du repas, Brillant l’ « Aristide* » nous amène quelques notes : exercice demain selon les ordres du commandant de compagnie. Lannoy va voir le capitaine avec le cahier. Il revient bientôt : exercice demain comme samedi. Ce ne sera pas fatigant. Nous nous quittons à 9 heures et chacun part se coucher.

1er septembre

Repos à Chevières, près Grandpré

Extrait de la carte d’état-major – Source : Géoportail

On se réveille tout étonnés qu’il soit grand jour. Il est 9 heures. Quoi ! Un repos ? Quelle chance !

À 10 heures, l’aumônier de la division dit une messe dans la petite église. On peut se confesser. La majorité d’entre nous s’y rendent.Gallica-messe2
L’après-midi, beaucoup vont se baigner et laver leur linge dans un petit étang. Quel délice ! Je fais comme tous et change de linge, l’unique chemise que j’ai pu mettre dans le coffre de la voiture de compagnie.

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Camp de la Croix-Gentin entre Vienne-la-Ville, la Chalade et Moiremont : lavage du linge – 1915.07.27 ©Ministère de la Culture (France) – Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine – Diffusion RMN

Un renfort de réservistes est là. La compagnie revient à son effectif de guerre.

On mange en popote* midi et soir. Nous sommes heureux ! On fait la sieste ! Les fatigues sont déjà oubliées ?

Je suis nommé sergent fourrier*, Lannoy passe sergent major en remplacement de Monchy nommé adjudant à la 7e compagnie. Le capitaine aurait préféré garder Monchy. Je vais donc faire partie de la liaison du bataillon. Jamesse prend ma place de caporal fourrier. Un nouvel adjudant, en sergent major promu, part à la 5e compagnie.

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Général Gérard

Dans la soirée, sur la place, je vois le général Gérard commandant notre corps, le 2e C.A., venu en auto, conférer avec le général de brigade Lejaille qui loge dans le village.

Je serre la main à des habitants de Marville qui ont fui l’invasion, les personnes chez qui le commandant Saget et ses officiers tenaient popote.