Relève* des tranchées.
Au petit jour vers 6 heures je me rends comme la veille près le capitaine Claire pour le compte rendu du matin. Il me manque celui de la 8e. Paradis, le caporal fourrier, ne tarde pas à me l’apporter. Il se plaint que par là on a de la boue jusqu’aux cuisses.
Mascart dans notre abri fait un grand feu pour sécher nos couvertures qui durant la nuit ont reçu de l’eau et qui sont trempées.
Gauthier ne tarde pas à s’amener. Il est toujours le bienvenu. Jombart nous annonce que nous serons relevés ce soir ; il le tient de l’adjudant du ravitaillement Cousinard. Celui-ci a reçu ordre de ne pas amener le ravitaillement ce soir à la Harazée.
Je vais immédiatement donner « le tuyau » au capitaine Claire. Ce doit être vrai, car nous en sommes au septième jour de tranchées. Le capitaine Claire appelle Legueil qui passera probablement sergent fourrier* à la 6e compagnie. Un agent de liaison* lui est adjoint, Verleene.
La liaison se transforme petit à petit. Nous avons Gallois, adjudant de bataillon, Jombart, Sauvage et moi sergents fourriers, Legueil et Paradis caporaux fourriers, Mascart, Verleene, Frappé et Garnier, agents de liaison, les deux cyclistes Caillez et Crespel, René le mitrailleur et Gauthier notre sympathique cuisinier. Legueil ne tardera pas à avoir les baguettes de sergent fourrier et Verleene sans doute celles de caporal.
Les cuisiniers des 5e, 6e et 7e compagnies passent. Je salue l’adjudant Culine qui revient. Il ne peut rester inactif à la Harazée et préfère les tranchées. Je l’admire.
Gallois ne tarde pas à rentrer. Il préfère son poste à celui de chef de section.
Vers midi une note assez longue à copier nous arrive. Le lieutenant-colonel Desplats salue le régiment à la tête duquel il est placé définitivement. La relève aura lieu ce soir. Les commandants de compagnie resteront jusqu’au lendemain matin. Quant aux compagnies elles iront à Florent. Le grand repos a sonné pour nous ; nous irons nous reposer à l’arrière.
Heureux je vais moi-même communiquer la note au capitaine Aubrun tout heureux de n’avoir plus la responsabilité de son coin que durant quelques heures.
Le capitaine Claire vers 5 heures envoie la liaison en second avec Jombart à Florent pour faire le cantonnement. Quant aux fourriers Sauvage, Legueil, Paradis et moi, nous restons jusqu’au lendemain avec les cyclistes et l’agent de liaison de mitrailleuses.
Ainsi dit ainsi fait. Nous nous mettons tous après le départ ensemble dans le plus bel abri, laissons les autres à la disposition de ceux qui viendront nous relever.
À la nuit tombante des officiers arrivent. Ils sont d’un autre corps que le nôtre. Longtemps ils confèrent avec le capitaine Claire puis nous les conduisons au PC de chacun de nos commandants de compagnie. C’est avec un cri de joie que le capitaine Aubrun accueille son successeur. Je descends au PC du bataillon amenant avec moi l’agent de liaison par section. Ce n’est pas facile dans la nuit. Plus d’une fois je fais des chutes et m’aplatis dans l’eau. Mais qu’importe, on est relevé et on va à l’arrière. Quelle chance !
Quand j’arrive, je trouve les agents de liaison du bataillon qui nous relève. Ceux-ci s’installent et m’annoncent que le bataillon n’est pas loin. Il peut être 8 heures du soir.
Une heure après, les éléments de tête arrivent. Je suis appelé par le capitaine Claire qui me donne quelques explications. Je prends avec moi mes agents de liaison des quatre sections qui sont confiées aux quatre chefs de section de la compagnie de relève. Je prends la tête de la colonne et en route !
Vers 10h30 la 5e compagnie passait se dirigeant sur Florent. Quant à moi, ma besogne terminée, je me frottais les mains près du foyer de notre gourbi*, heureux d’avoir fini le premier. Terminé le cauchemar du bois de la Gruerie ! Un repos d’un mois, c’est le rêve ! Jamais je n’aurais espéré cela ! En un mot, que je suis heureux ! Je suis de nouveau rappelé par le capitaine Claire pour conduire une demie compagnie à l’emplacement occupé par le sergent Tercy lors du premier séjour (voir topo tome VI [ci-dessous]) tandis que Sauvage conduit une autre fraction à l’emplacement de la 7e.
Avec bien du mal j’arrive à mon but après m’être cassé le nez sur des éléments du bataillon relevé. Les boyaux de ce côté sont de vrais ruisseaux. Je m’enfonce jusqu’aux genoux. Paradis avait raison de se plaindre.