Archives mensuelles : août 2014

17 août

Remoiville

Réveil à 4 heures. Cette fois c’est le départ fixé pour 6 heures, direction inconnue.

Le 117e d’infanterie* arrive et défile dans le village avant notre départ. C’est lui, dit-on, qui nous remplace ici.

Gallica-Infant-traverseeNous partons, regrettés et salués par bon nombre d’habitants déjà debout.
Nous filons un peu en arrière sur Remoiville. C’est un village un peu moins grand que Marville qui est situé à 7 km au nord dans la direction de Montmédy.

Extrait de la carte d’État-major – Source : Géoportail

On y arrive vers 10 heures. Le régiment s’y installe. C’est notre cantonnement*, pour combien ? On l’ignore.

La population nous reçoit bien. Le ravitaillement arrive et les cuisiniers font leur besogne. Peu de ressources. La population est pauvre. C’est à peine si les officiers ont un lit. Je trouve un coin de grange et du foin. J’y couche avec les conducteurs de la voiture de compagnie, en particulier Delacensellerie qui me soigne mon coin.

 

16 août

Départ à 3 heures, tout le monde sans exception. On croit que c’est le départ définitif. Chaque compagnie prend sa position dans les tranchées* faites les premiers jours.

Gallica-Tranchée4On attend toute la journée sur la défensive par un beau soleil. Rien à signaler. On rentre le soir au cantonnement*. On y rencontre de nouveaux régiments de cavalerie et d’artillerie.

Je reçois, à la rentrée du vaguemestre*, une lettre de chez moi datée du 4.
Grande joie.

 


15 août

Les nouvelles de nos succès en Alsace sont affichées. C’est l’enthousiasme le plus complet. On ne doute pas de la victoire. Nous passons la journée dans le village. L’après-midi, il y a procession. C’est fête dans le pays.

L’après-midi, une automobile s’arrête devant la mairie. On y voit une capote [1] allemande qu’on dit appartenir à un officier boche tué.

Le soir, à 7 heures, à la fin du repas des sous-officiers, on apprend que les chasseurs à pied du 18e B.C.P. [2] arrivent à Marville, venant de Longuyon où ils se sont repliés devant des forces très supérieures. L’adjudant Simon amène un chasseur [3] de ses parents.

Fatigué, affairé, il se restaure et raconte combien sont terribles les engins et combien nombreux est l’ennemi. On l’admire lui qui vient d’avoir le baptême du feu ; mais on croit que la fatigue et les émotions le poussent à exagérer.


[1] Capote : Vêtement militaire porté sur la tunique.

[2] B.C.P. : Bataillon de chasseurs à pied.

[3] Chasseur : nom d’une charcuterie belge de la forme d’une saucisse à base de porc ou de cheval.

13 août

Avant-postes à Ham-les-Saint-Jean

Le peloton d’Othe rentre au cantonnement*. Les pauvres ont fait connaissance avec une pluie diluvienne de plusieurs heures. Ils sont plus que trempés et heureux de revenir à Marville.

La situation générale est toujours calme ; sans doute la purge de Mangiennes a-t-elle fait réfléchir l’ennemi trop entreprenant.

Le soir, la 5e compagnie part pour la nuit dans un petit village situé à 4 km en avant de Marville au sud-est : Ham-les-Saint-Jean. On passe la nuit dehors dans les rues du village qui est mort et paraît presqu’inhabité. Nuit calme. Au petit jour, nous rentrons par petites fractions au village de Marville. Nous sommes exempts de suivre le régiment à sa position quotidienne. Nous nous nettoyons durant la journée. Journée ensoleillée et très agréable pour nous.

Jamais de nouvelles des nôtres. On écrit quand même chez soi.

Je couche dans un petit salon chez M. Gaillot, sur un canapé, car j’ai peur d’une alerte et trouve la chambre de M. Royer trop éloignée.

Dans l’après-midi, madame l’institutrice est rentrée. Elle a la nostalgie du pays.

 

12 août

Le temps est pluvieux. Même situation que la veille.

Je porte en automobile le ravitaillement. Avec moi monte un gendarme. Nous circulons dans les alentours : Bazeilles [-sur-Othain], Othe, Velosnes.

Extrait de la carte d’état-major.

Jusqu’à la frontière belge, non loin de Torgny, où j’achète du tabac. KubLa gendarmerie réquisitionne les bouillons Kub [1] dans les épiceries ; on les dit empoisonnés ; et les jette à l’eau. Les alentours sont calmes. Pas de boches en vue. Nous rentrons à Marville par Saint-Jean. Il pleut à verse. Nous sommes trempés.

Souvent je mange avec M. et Mme Gaillot qui sont des plus aimables. Madame quitte pour Dun-Sur-Meuse ; son mari a peur d’une invasion.


[1] Bouillon Kub : il est inventé dans les années 1880. Au début il s’agissait d’extrait de viande. En 1908 Julius Maggi commença sa commercialisation de bouillon dans sa forme de cube, produit déshydraté.

11 août

Mangiennes

Vers midi, de la position qu’occupe chaque jour le régiment, la suite du colonel, qui se trouve à la lisière du bois, voit devant elle, en pleine campagne, dans la direction de Ham-les-Saint-Jean et Mangiennes, un fort rassemblement de cavalerie et quelques 75 qui se mettent rapidement en batterie [1].
Vers 14 heures, les 75 se mettent à cracher ; la cavalerie s’ébranle et disparaît derrière un mamelon.canon75Action
Je porte le ravitaillement aux avant-postes à Othe. La voiture de monsieur Gaillot n’étant pas disponible, le fils de monsieur Royer nous conduit, nos hommes de corvée* et moi, avec son chariot. Madame, au passage, nous donne une bouteille de vin qui est bien reçue.

Le soir, à mon retour du ravitaillement, je retrouve le régiment rentré au cantonnement*. On voit ensuite, sur une voiture d’ambulancier, quelques dragons* blessés et quelques tués. On les descend à l’école des sœurs.
Que s’est-il passé ?
L’échauffourée [2] s’est passée à Mangiennes où une division de cavalerie ennemie s’avançait vers nous.

Huszards allemands en reconnaissance.

Hussards allemands en reconnaissance.

Elle fut repoussée avec de lourdes pertes. On a fait appel au 91e d’infanterie* qui s’est distingué.

Défense formelle à partir d’aujourd’hui de coucher en dehors de son cantonnement de compagnie. Je continue quand même à coucher chez monsieur Royer.



[1] Batterie : Ensemble coordonné de canons, faisant partie d’un régiment d’artillerie.

canon75Batterie

[2] Échauffourée : Petit combat isolé.